Drogues et Expériences/Héroïne
L’héroïne, diamorphine ou diacétylmorphine, est un opiacé semi-synthétique obtenu par acétylation de la morphine, le principal alcaloïde issu du pavot à opium. Elle est utilisée à des fins médicales, mais surtout de manière illégale dans des cadres d'utilisations récréatives. La tolérance à l'héroïne est importante, et son usage chronique entraîne une très forte dépendance physique. L'héroïne est une substance contrôlée au niveau international. Elle figure sur les tableaux I et IV de la Convention unique sur les stupéfiants.
Historique
[modifier | modifier le wikicode]Elle est synthétisée pour la première fois à partir de la morphine à la fin du XIXe siècle par deux chimistes qui est d'abord exploitée comme médicament pour différentes affections respiratoires dont la tuberculose. Ils donnèrent le nom d'héroïque, parce qu’on pensait qu’elle permettrait de soigner l’addiction à la morphine sans induire d’accoutumance. Ironie du sort, car la morphine elle-même avait été préconisée comme substitut à l'opium. En effet, elle était, avant 1914, vendue librement en pharmacie, entre autres sous la forme de pilule antitussive, contre l’asthme, la diarrhée et même comme somnifère pour enfants. À cette époque, la plupart des substances connues aujourd'hui comme addictives (opiacés, cocaïne) étaient alors en vente libre en pharmacie.
L’héroïne, du fait de sa popularité et de son mode de diffusion, devient vite un problème de santé publique et il y a eu une campagne contre l’héroïne qui avance qu’un produit aussi dangereux doit être supprimé par une action internationale. Toutefois elle reste très exceptionnellement utilisée dans certains traitement de substitution aux opiacés, sous surveillance médicale stricte.
Synthèse
[modifier | modifier le wikicode]L’héroïne (diacétylmorphine) est un opiacé semi-synthétique obtenu à partir de la morphine, elle-même tirée du latex du pavot. Elle est obtenue par acétylation de la morphine. L’équipement nécessaire à la production est sommaire même si un laboratoire et des compétences minimums sont requises pour obtenir un produit de qualité. Nombre de laboratoires clandestins seraient en fait des campements temporaires installés dans les endroits reculés des zones de production.
La méthode décrite ci-dessous a été pratiquée par des chimistes clandestins expérimentés face à une équipe de l'autorité fédérale de contrôle des stupéfiants qui a pu observer, détailler et analyser la procédure. Le produit obtenu avec cette procédure est du chlorhydrate d'héroïne de couleur blanche à blanc cassé dont l'analyse révèle une composition de 74% de diacétylmorphine, 5,3% de monoacétylmorphine, 0,3% de morphine et 4,4% d'acétylcodéine.
L'opium brut est réduit en petits morceaux, celui-ci est dissout dans de gros barils remplis d'eau que l'on a mis à chauffer. La solution est mélangée jusqu'à obtention d'une consistance homogène. Le pH à ce stade est de 8. Les résidus solides flottant à la surface sont retirés. On y ajoute une solution aqueuse de chaux aérienne qui permettra de convertir la morphine de l'opium en morphinate de calcium soluble dans l'eau. La solution est mélangée pendant une heure ajoutant de temps en temps une solution de chaux afin de rincer l'opium pouvant rester collé aux ustensiles. On complète le mélange avec de l'eau chaude afin de remplir les barils et ceux-ci sont laissés à refroidir et décanter durant la nuit. Une partie des autres alcaloïdes présents dans l'opium dont le principal est la codéine restent dans la solution aqueuse.
Le lendemain matin, une couche de mousse ainsi qu'un film huileux apparaît au-dessus de la solution, le pH est alors entre 10 et 12. La solution est siphonnée à l'aide d'un tuyau écartant la couche supérieure d'impuretés. Le liquide est alors filtré à travers des sacs de toile qui seront eux-mêmes pressés pour récupérer le maximum de liquide.
Du chlorure d’ammonium est ajouté dans les barils afin de convertir le morphinate de calcium soluble en morphine-base non-soluble dans l'eau. Ceux-ci sont recouverts alors que la solution est laissée à reposer quelques heures tandis que la morphine-base précipite au fond du récipient. Celle-ci est récupérée par filtrage à travers de fines toiles puis laissée à sécher. Les produits chimiques utilisés au cours des étapes précédentes sont aisément disponibles sous forme de fertilisants. À ce stade, la poudre est de couleur brun clair à foncé provenant des impuretés présentes.
La morphine-base est traitée avec de l’anhydride acétique afin obtenir l’héroïne-base. Dans les laboratoires artisanaux, on emploie de grandes marmites en aluminium habituellement destinées à la cuisson du riz. La morphine est recouverte d'anhydride acétique. On remue le mélange jusqu'à ce que la morphine-base soit dissoute puis l'on laisse reposer pendant 45 min. Le pot est recouvert et laissé à chauffer pendant 30 minutes à une température de 85°C en évitant l’ébullition (d'autres sources indiquent cependant un temps de réaction plus long). Après cette opération, il reste une mixture d’eau, d’acide acétique et de diacétylmorphine (héroïne) dans le récipient. La solution est diluée avec de l'eau chaude puis filtrée afin d'éliminer les éventuelles impuretés solides.
Du carbonate de sodium (cristaux de soude) en solution est versé dans le mélange jusqu'à ce que plus aucun gaz ne se forme, précipitant ainsi l'héroïne-base. Le pH de la solution a ce stade est de 10. L'héroïne-base est alors filtrée puis rincée avec de l'eau chaude. L'opération est répétée une fois de plus, puis l'héroïne-base est disposée dans un nouveau récipient.
À ce stade, l'héroïne-base est brune. Certains laboratoires arrêtent l'opération après ces opérations et le produit obtenu est alors connu sous le nom d'héroïne no 3. Il s'agit d'une héroïne principalement destinée à être fumée, nécessitant l'ajout d'un acide (acide citrique, citron, vinaigre ou acide ascorbique/vitamine C) pour pouvoir être dissoute dans de l'eau pour injection.
Afin de transformer cette héroïne-base en chlorhydrate d'héroïne soluble dans l'eau, celle-ci est dissoute dans une solution d'acide chlorhydrique. Le pH de la solution est alors entre 7 et 8. Toute l'héroïne-base n'étant pas dissoute, la solution est filtrée à travers une toile.
On ajoute du charbon actif à la solution. On remue avant de laisser reposer 30 minutes. Le charbon actif absorbe les impuretés responsables de la coloration. Cette étape peut être répétée jusqu'à obtention d'une solution bien claire permettant ainsi la fabrication d'une héroïne claire, voir blanche ou légèrement grisâtre. L'héroïne est à nouveau précipitée grâce à une solution diluée d'ammoniaque en convertissant le chlorhydrate d'héroïne en solution en héroïne-base non-soluble. Le pH est alors de 12.
Celle-ci est filtrée à travers une toile. Puis une nouvelle fois, l'héroïne-base est transformée en chlorhydrate d'héroïne. Celle-ci est dissoute dans une solution diluée d'acide chlorhydrique contenant une petite quantité d'acétone. La solution est filtrée au travers d'un filtre papier, versée dans un récipient et le liquide est évaporé grâce à un bain de vapeur.
Les étapes de purification sont régulièrement omises. L'héroïne ainsi obtenue est alors de couleur beige à brun foncé. L'héroïne est-asiatique, principalement exportée est souvent blanche du fait d'un raffinage plus poussé nécessitant l'utilisation d'alcool, d'éther et d'acide chlorhydrique lors de l'étape finale. C'est ce que l'on nomme héroïne no 4.
L'héroïne black-tar, provenant principalement du Mexique doit sa consistance et son aspect à une méthode d'acétylation moins efficace, utilisant de l'acide acétique glacial et différents catalyseurs. Cette variété d'héroïne contient bien souvent des concentrations élevées de 6-Monoacétylmorphine, l'acide acétique n'étant pas à même d'acétyler pleinement la molécule de morphine. À noter que la 6MAM, contrairement à la 3-Monoacétylmorphine est psycho-active. Un kilogramme de morphine permet d’obtenir 700 grammes d’héroïne.
Pharmacologie
[modifier | modifier le wikicode]C’est un dépresseur du système nerveux central. Elle a une action analgésique et sédative comme les opiacés ainsi qu’une puissante action anxiolytique et antidépressive. Dans l’organisme, elle est métabolisée en monoacétylmorphine puis en morphine par le foie.
Usage détourné et récréatif
[modifier | modifier le wikicode]Formes
[modifier | modifier le wikicode]L’héroïne pharmaceutique se présente sous la forme d’une poudre blanche très fine, soluble à froid (ou dans de l'eau tiède), mais dans la rue, elle peut se présenter sous la forme de poudres brunes, beiges ou blanches, plus ou moins fines. Il arrive que le produit soit compressé sous forme de « cailloux » lors de son conditionnement. On trouve également une forme solide ou pâteuse, très impure.
En sortie de laboratoire, la couleur et l’apparence du produit dépendent de sa pureté (certaines étapes de la production permettant d’obtenir un produit plus pur et blanc étant omises) mais également des produits de coupe utilisés. La couleur n’est cependant pas une indication fiable pour juger de la qualité, pas plus que la présentation sous forme de « cailloux » : il est très facile de recompresser la poudre après coupage.
Il existe des appellations sous forme de numéros. Celles-ci sont relativement anciennes et désuètes à présent. Elles correspondaient à l'origine aux différentes étapes de fabrication et de purification.
Héroïne no 1 et no 2
[modifier | modifier le wikicode]Ces appellations ne sont pas couramment utilisées. Elles correspondent théoriquement aux produits intermédiaires de la fabrication, l’héroïne no 2 correspondant à la morphine-base.
Héroïne « blacktar »
[modifier | modifier le wikicode]Une troisième sorte d’héroïne produite existe : le blacktar C’est une héroïne impure se présentant sous la forme d’une pâte, plus ou moins solide de couleur noire ou brunâtre, à l’aspect plus proche de l’opium que d’une poudre ; ses caractéristiques en font une substance particulièrement utilisée par les fumeurs d’héroïne.
C’est une forme impure de la drogue, celle-ci est produite par les paysans qui n’ont qu’une faible expérience dans la culture du pavot et la production d’héroïne. Ceux-ci omettent nombre d’étapes dans le procédé de fabrication en transformant directement la morphine contenue dans l’opium en héroïne, sans passer par les étapes intermédiaires.
Héroïne no 3
[modifier | modifier le wikicode]Aussi désignée sous les termes héroïne brune ; il s’agit d’héroïne-base, contrairement aux sels celle-ci est traditionnellement produite — afin d’être fumée — et consommée car elle n’est pas soluble dans l’eau bien que certains consommateurs ajoutent du vinaigre ou du citron pour la transformer en sels (acétates et citrates) afin de la rendre soluble et injectable. Celle-ci est occasionnellement mélangée à des produits de coupe (caféine) présentant un point de fusion plus bas facilitant son inhalation lorsqu’elle est fumée. Elle se présente comme une poudre granuleuse de couleur brune à grise. Cette héroïne ne peut être pure en raison d'une étape de raffinement manquante. Ainsi, dans les annales des saisies d'héroïne brune, 25 % correspondant à une héroïne marron puissante, 40 % au maximum.
Héroïne no 4
[modifier | modifier le wikicode]Aussi désignée sous le terme d’« héroïne blanche », il s’agit du produit sous forme de sel soluble dans l’eau, en général du chlorhydrate d’héroïne. Elle se présente comme une poudre blanche à beige très fine et légère. Elle est obtenue en poussant plus loin le raffinage de la morphine.
Habitudes de consommation
[modifier | modifier le wikicode]L’héroïne se présente sous forme de poudre brune, rarement blanche. Elle est coupée de manière variable (souvent 90 % à 95 %) parfois avec d’autres produits psychoactifs ou non, voire toxiques (caféine pour 86 % des échantillons, paracétamol pour 79 %). La composition comme le degré de pureté sont très variables.
L’héroïne peut se consommer par :
- insufflation (sniff)
- injection intraveineuse, l’effet apparaît en moins d’une minute et s’estompe au bout de 3 à 5 heures ;
- inhalation (fumée ou prisée), l’effet analgésique est alors dominant lors des premières prises. Rapidement l’effet psychoactif « apaisant » reste seul recherché.
On parle de « chasser le dragon » ou « faire un alu » : méthode consistant à inhaler les vapeurs d’héroïne, chauffée la plupart du temps sur une feuille d’aluminium par le dessous.
L’injection présente des risques accrus de surdose ou d’infections locales ou systémiques graves.
L’héroïne a longtemps été associée à l’injection intraveineuse du fait des ravages sanitaires qu’avait provoqué ce mode de consommation. L'utilisation des traitements de substitutions et de la méthadone avec les campagnes de prévention et d’information sur cet usage qui permettait la transmission d’un certain nombre d’infections via les échanges de seringues, ont fait considérablement baisser ce mode de consommation, au point qu’il est considéré comme minoritaire dans les pays occidentaux.
Si les risques de transmission infectieuse sont considérablement réduits par la consommation en inhalation prisée, ils restent présents du fait de l’échange des pailles qui transportent le même type d’infections, la tuberculose en plus.
L’héroïne peut être consommée en « descente » de la cocaïne (c’est-à-dire après) pour atténuer les effets angoissants de la diminution de ce produit dans l’organisme ; et parfois en « speed-ball » (cocaïne avec héroïne) afin de compenser les effets dépresseurs de l’héroïne par les effets stimulants de la cocaïne.
Effets et conséquences
[modifier | modifier le wikicode]Du fait de leur structure moléculaire relativement proche des endorphines produites par l’organisme, les métabolites de la substance vont se lier au récepteur opiacé-µ. Par ressemblance, les opiacés vont donc se substituer aux endorphines dans les récepteurs, entraînant une euphorie, une analgésie et des effets anxiolytiques. L’utilisation répétée de la diacétylmorphine aboutit à un certain nombre de changements physiologiques, y compris une diminution des récepteurs opiacés disponibles.
4 à 24 h après la dernière prise de diacétylmorphine les récepteurs sont toujours occupés par les opiacés, mais les effets de la substance perdent en intensité. Les récepteurs ne sont alors plus disponibles pour lier les endorphines, ce qui entraîne des conséquences graves et des effets inverses de ceux recherchés. C’est ce processus qui est responsable de l’accoutumance et de la dépendance physique, où le corps ayant réduit sa production d’endorphines présente des symptômes physiques de manque de cette substance, appelé le syndrome de sevrage aux opiacés. Ce syndrome entraîne des symptômes extrêmement inconfortables, comme la douleur, l’anxiété, l’insomnie et des spasmes musculaires.
Du fait de son fort caractère analgésique, elle peut masquer les douleurs dues aux infections. En cas de surdose, l’héroïne peut entraîner la mort par dépression respiratoire. Le surdosage étant généralement accidentel et imputé à une dose trop concentrée.
Effets psychiques
[modifier | modifier le wikicode]- flash, relaxation, apaisement ;
- euphorie ;
- extase;
- sensation d'éloignement et d'évasion face au monde réel ;
- apaisement de l'angoisse (anxiolytique).
Effets somatiques
[modifier | modifier le wikicode]- réchauffement ;
- analgésie ;
- myosis ;
- bradycardie ;
- Hypotension artérielle ;
- diminution de la libido.
Ces effets sont suivis d’un état de somnolence.
Effets à court terme
[modifier | modifier le wikicode]- problèmes gastro-intestinaux ;
- ralentissement du rythme cardiaque ;
- baisse de l’amplitude respiratoire ;
- contractions importantes de la pupille (myosis) ;
- action antitussive ;
- hypothermie ;
- démangeaisons.
Effets à moyen terme
[modifier | modifier le wikicode]- baisse de l’appétit pouvant entraîner des carences alimentaires voire des problèmes bucco-dentaires ;
- constipation et difficultés à uriner ;
- insomnies ;
- interruption des menstruations chez la femme ;
- courbatures.
Effets à long terme
[modifier | modifier le wikicode]- forte dépendance physique et psychique ;
- accoutumance acquise aux opiacés ;
- infections opportunistes du fait de l’état d’affaiblissement général ;
- trouble de l'humeur ;
- troubles anxieux ;
- apathie ;
- problèmes cutanés ;
- problèmes dentaires ;
- repli sur soi, isolement.
Dépendance
[modifier | modifier le wikicode]L’héroïne entraîne une accoutumance et une dépendance fortes. L’arrêt brutal d’héroïne provoque un syndrome de sevrage autrement appelé manque.
La cure de désintoxication à l’héroïne inclut généralement la prise de médicaments de substitution, tels que la méthadone. Ces substituts sont des opioïdes synthétiques. Ils ralentissent l’apparition des symptômes de sevrage, les repoussant sans pour autant les supprimer. Les effets euphoriques de ces substances sont moindres et leur demi-vie (durée d’action) est plus grande que celle de l’héroïne, permettant ainsi une prise quotidienne unique. La substitution permet également de couper les patients toxicomanes du milieu de la drogue.
La finalité étant le sevrage définitif à court ou long terme en baissant les doses afin d’atténuer graduellement les symptômes de manque.
La prise d’héroïne par voie intraveineuse est considérée comme un mode d’administration particulièrement addictogène. Elle induit une alternance cyclique entre un effet euphorisant rapide et intense, et un état de manque.
L’addiction à l’héroïne est décrite par un processus en trois étapes :
- La lune de miel : L’usager consomme pour le plaisir. Sa consommation est considérée comme contrôlée. Une tolérance s’installe ainsi qu’une dépendance psychique.
- La gestion du manque : La dépendance physique apparaît. L’usager consomme pour éviter l’état de manque. Il développe souvent une polyconsommation de gestion du manque (consommation de benzodiazépines, alcool, cannabis, etc.).
- La galère : Le manque est omniprésent. La dépendance est majeure avec des comportements de perte de contrôle.
Traitements de l’héroïnomanie
[modifier | modifier le wikicode]Le traitement de la dépendance à l’héroïne est long et vise à obtenir l’abstinence. Il nécessite souvent une aide extérieure. La première phase de ce traitement passe par un sevrage où un traitement médical aide l’usager à supporter les symptômes du manque. Pour ce faire les usagers passent:
- soit par un sevrage médicamenteux (mélange de différents médicaments visant à réduire les symptômes du manque) qui est proposé à ceux qui sont le moins "accros" à la substance et qui, de ce fait, durera moins longtemps,
- soit par un sevrage à la buprénorphine proposé à ceux qui ont eu un parcours plus long dans le cheminement de la toxicomanie, ce traitement de substitution est prescrit par n'importe quel médecin, ce qui peut entraîner des dérives : trafic, marché noir…
Enfin, il y a le traitement à la méthadone, produit de substitution beaucoup plus difficile à se procurer que la buprénorphine, car très contrôlé. Pour suivre un traitement à la méthadone, il faut obligatoirement passer par un centre spécialisé où l'usager devra suivre une procédure stricte passant par différents rendez-vous (en général avec un médecin, un psychologue, et un travailleur social) visant à établir le degré de sa dépendance et à mettre en place son traitement. En général, les sevrages à la méthadone sont les plus longs, cela peut aller de quelques mois à plusieurs années, du fait de la puissante addiction due au produit. Le manque physique de l'héroïne dure environ une semaine, celui de la buprénorphine environ deux semaines, tandis que celui de la méthadone peut durer un à deux mois.
Cette aide extérieure peut se manifester de différentes façons : obligation de soins, début de prise en charge sanitaire via une structure de premier plan type site d’injection supervisée, mise en place d’un traitement de substitution, hospitalisation en cure de désintoxication.
Production et trafic
[modifier | modifier le wikicode]D’après l’organe international de contrôle des stupéfiants dans son rapport du 1er mars 2006, l’Afghanistan est redevenu le premier producteur mondial de pavot à opium (87 % de la production mondiale), 60 % du produit transite par l’Asie occidentale et 20 % par l’Asie centrale pour rejoindre ensuite essentiellement l’Europe mais aussi l’Amérique du Nord.
Méthadone
[modifier | modifier le wikicode]La méthadone est un opioïde analgésique synthétisé en 1937 par des chimistes qui cherchaient un analgésique qui serait d'un emploi plus aisé au cours d'une intervention chirurgicale et ainsi d'avoir moins de potentiel d'addiction. La molécule de méthadone a un atome de carbone chiral - le C6 qui porte 4 substituants différents-, elle se présente donc sous forme de deux énantiomères :
- (R)-méthadone
- (S)-méthadone
qui sont différenciables par leur pouvoir rotatoire opposé. La forme utilisée en thérapeutique est le racémique, c'est-à-dire le mélange 50:50 des deux formes.
La méthadone est utilisée depuis 1960 comme substitut des opiacés chez les consommateurs d'héroïne. Son utilisation est légale. En général, le mélange des isomères D et L est utilisé, ceci bien que l'activité recherchée soit due presque entièrement à la forme L. En tant qu'analgésique narcotique, la méthadone est utilisée pour soulager des douleurs sévères. Suivant les législations en vigueur par pays, la prescription médicale de méthadone peut être soumise aux lois sur la prescription de substances psychotropes.
Absorption
[modifier | modifier le wikicode]La méthadone est rapidement absorbée au niveau du tractus gastro-intestinal et les premiers effets analgésiques apparaissent après 15 à 30 minutes en sirop et 1h à 1h30 en gélule. La durée d'action est de six à huit heures. Lors d'une administration répétée, la durée d'action et la demi-vie (15 à 55 heures) augmentent également.
Le taux plasmatique thérapeutique de la méthadone est d'environ 100 à 400 µg (microgrammes/litre) et le taux plasmatique toxique est d'environ 1000 à 2000 µg (microgrammes/litre).
Dosage
[modifier | modifier le wikicode]De nombreux tests immunologiques permettent le dépistage rapide (30 secondes) de la méthadone dans l'urine jusqu'à plusieurs jours (8 à 10) après la dernière administration. De manière générale, les méthodes immunologiques de dépistage ne présentent pas de réaction croisée avec des substances de structures différentes. Cependant, selon la spécificité du test utilisé, le L-alpha-acéthylméthadol (LAAM), un analogue de la méthadone à longue durée d'action, et ses métabolites peuvent présenter une réaction croisée et donner des résultats faussement positifs.
La méthadone et ses métabolites sont rapidement extraits avec les techniques liquide-liquide ou SPE (solid phase extraction). La chromatographie sur couche mince et la chromatographie gazeuse peuvent également être utilisées.
Traitements de substitution
[modifier | modifier le wikicode]La médication a comme objectif de substituer la consommation d'opiacés procurant un effet euphorisant (héroïne, morphine et certains analgésiques) d'aider la personne à une stabilisation de ses cravings. Conjointement à une prise en charge médico-sociale dans le contexte d'une cure de sevrage, le traitement par méthadone vise la stabilisation de la personne quant à son addiction et la réduction des méfaits. Cette médicalisation a comme objectif de réduire les risques inhérents à la consommation de drogue: les risques liés à l'injection de substances par voie intraveineuse ou la prise par voie nasale (notamment la contamination par des virus), les risques de surdosage ou d'overdose, et les risques liés aux activités illégales menées en vue de se procurer l'héroïne (deal, prostitution). De plus, lorsqu'une personne est sous un traitement à la méthadone, elle ne ressentira pratiquement aucun effet euphorisant si elle consomme de l’héroïne. Ceci décourage bien des consommateurs à rechuter. L'introduction de la médication peut faire partie intégrante d'un processus global d'abstinence.
La méthadone présente l'avantage d'être un opiacé de longue durée d'action, permettant de prévenir la sensation de manque et la rechute de la consommation d'héroïne. Elle est prise par voie orale, en une dose par 24 heures et dans quelques cas deux doses par 24 heures pour les "métaboliseurs" courts, sous forme de solution amère et non injectable, de gélules ou de suppositoires. En général, le sirop se présente sous formule liquide dosée à 1 % de chlorhydrate de méthadone : 1 ml de soluté représente 10 mg de chlorhydrate de méthadone.
Des recommandations médicales indiquent une dose journalière maximale habituelle à 60 mg par 24 heures. Des études ont montré que certains patients nécessitaient des doses plus importantes en début de traitement. La prescription de la dose maximale peut être limitée par les lois relatives à la délivrance de substances psychotropes suivant les pays.
Tandis que la méthadone ne procure a priori aucun effet toxique sur les patients dépendants, cette médication peut être mortelle à faibles doses pour les patients non dépendants (par exemple, pour une personne de 40 kg une dose de 20 mg peut être létale).
Dans le cadre d'une utilisation médicale contrôlée, l'effet euphorisant ressenti peut être nul pour le toxicomane. La phase de stabilisation est une étape pendant laquelle le toxicomane passe aussi en phase d'abstinence de recherche de l'effet euphorisant procuré par l'héroïne (effet flash). La baisse de la dose quotidienne peut représenter une étape importante dans un processus d'abstinence. Les risques sont liés au syndrome de sevrage physique aux opiacés, mais aussi au fait que la personne reprenne une consommation d'héroïne afin de pallier la sensation de manque. Une pratique prévoit de ne pas baisser la dose quotidienne de plus de 10 % par mois.
Resté sujet de controverse du fait de son caractère accoutumant qui peut en faire un traitement à vie, avec de fortes oppositions, ce traitement doit son essor aux épidémies dues aux virus, car il permet d'éviter les injections ou les blessures par les pailles de sniff (pour priser) et donc de limiter la diffusion des maladies.
La présentation sous forme de sirop épais aromatisé et très sucré (9 grammes de saccharose = 2 morceaux de sucre environ) dans un flacon de 15 ml suffit généralement à dissuader les risques de mésusage par injection. Quant à la gélule, toute tentative de dissoudre la poudre qu'elle contient transforme le tout en épaisse gélatine inutilisable.
Les médecins habilités peuvent prescrire une médication à la méthadone pour 14 jours si le patient est sous traitement méthadone sirop (28 jours pour le patient sous méthadone gélules) qu'il est socialement et médicalement stabilisé. L'introduction d'un traitement à la méthadone se fait généralement dans le cadre d'une délivrance quotidienne au départ. Après une certaine période de stabilisation et d'adaptation du dosage, le patient est généralement orienté vers son médecin de famille qui lui prescrira son traitement délivré en pharmacie.
Divers
[modifier | modifier le wikicode]La méthadone fait partie de la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé.
Papaver somniferum | ||
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Pavot somnifère | ||
Classification de Cronquist | ||
Règne | Plantae | |
Sous-règne | Tracheobionta | |
Division | Magnoliophyta | |
Classe | Magnoliopsida | |
Sous-classe | Magnoliidae | |
Ordre | Papaverales | |
Famille | Papaveraceae | |
Genre | Papaver | |
Nom binominal | ||
Papaver somniferum L., 1753 | ||
Classification APG III | ||
Ordre | Ranunculales | |
Famille | Papaveraceae |
Le pavot somnifère ou pavot à opium (Papaver somniferum), appelé également « pavot des jardins », est une espèce de plante herbacée annuelle de la famille des Papaveraceae originaire d'Europe méridionale et d'Afrique du Nord. Connue pour ses propriétés psychotropes sédatives, elle est aussi cultivée à des fins ornementales ou alimentaires. On distinguait cependant deux variétés de pavot somnifère :
- Papaver somniferum var. album - le pavot blanc ou pavot à opium. Fleurs à corolles blanches et à fruit indéhiscent (dont les graines ne peuvent être libérées sans destruction du fruit) contenant des graines d’un blanc jaunâtre. C'est plus spécifiquement de cette variété que l'on extrait le latex afin de confectionner l'opium.
- Papaver somniferum var. nigrum - le pavot noir, œillette ou encore pavot bleu, cultivé pour ses graines. Fleurs à corolles d’un rouge violacé et à fruit déhiscent (dont les capsules présentent, sur le bord du plateau stigmatique, des pores, s'ouvrant lorsque le fruit se dessèche, et par lesquels les graines sont libérées) contenant des graines gris-bleu-ardoisé.
Toutes les variétés de Papaver somniferum contiennent des alcaloïdes opiacés dont les plus connus sont la codéine et la morphine. Cette dernière, outre la production à but thérapeutique pour ses effets analgésiques, fait l'objet d'un trafic illicite essentiellement destiné à sa transformation en un opiacé synthétique : l'héroïne. Ses graines, largement utilisées dans l'alimentation ne contiennent qu'une très faible quantité d'alcaloïdes. Il en va de même de l'huile qu'elles produisent : l'huile d'œillette. Le pavot à opium est également largement cultivé pour le fleurissement des jardins et des espaces verts.
Caractéristique
[modifier | modifier le wikicode]C'est une plante annuelle herbacée dont la tige peut atteindre jusqu'à 1,5 mètre. Les fleurs peuvent être blanches, mais elles sont le plus souvent lilas (rose sale), avec un centre violet foncé. La capsule, ronde et grosse, contient de très nombreuses graines.
Répartition
[modifier | modifier le wikicode]Le pavot somnifère se rencontre dans les montagnes asiatiques et est également assez commun en Europe, y fréquentant les mêmes terrains calcaires que le coquelicot : ce sont des plantes dites calcicoles. Il est probablement originaire des régions comprises entre la Méditerranée orientale et l'Asie mineure.
Profil des grands pavots
[modifier | modifier le wikicode]On considère généralement quatre types de pavots somnifères, ou grands pavots. Ils appartiennent parfois à des espèces (taxons) classées comme différentes mais ils ne se distinguent fondamentalement que par certains de leurs aspects extérieurs et peuvent se croiser par pollinisation (preuve qu'ils pourraient ne former qu'une seule espèce divisée alors en sous-espèce, variétés et spécimens). Le coquelicot n'entre ainsi pas dans l'espèce des "pavots somnifères" (inter-pollinisation impossible, divergence fondamentale des principes de composition...).
Papaver somniferum
[modifier | modifier le wikicode]Le pavot setigerum est considéré comme le pavot le plus primitif sa vente en pot est assez répandue au début du printemps et il est l'un des seul à supporter la transplantation. Il est présent en petites colonies à l'état sauvage dans de nombreuses régions d'Europe, d'Asie et d'Afrique du Nord, mais peut souffrir de la main de l'homme alors même qu'il habite volontiers ses décombres et terrassements (ruines, bords de routes, terrains arides, remblais). De taille modeste, à petites graines noires d'un demi millimètre, au fruit à peine du double de celui des plus gros coquelicots, au plateau stigmatique bombé et à bord ondulé, c'est le plus répandu mais le plus petit des grands pavots sauvages.
Papaver orientale
[modifier | modifier le wikicode]Le pavot d'Orient apparait comme une forme cultivée, divergente et très évoluée du pavot setigerum dans ses couleurs et la grosseur de ses pétales, de ses pistils, et de son fruit. Son plateau stigmatique reconnaissable est le plus souvent très foncé. Il est cultivé aisément par les jardiniers, présente communément de très grandes fleurs, peut supporter la transplantation et est relativement fréquent dans l'ornement d'espaces tant privés que publics.
Bien que modeste, il a été ponctuellement utilisé en médecine en Orient et a fait l'objet d'études de projets industriels pharmaceutiques aux États-Unis où il est considéré comme un grand spécimen de pavot setigerum. C'est plus spécifiquement l'espèce papaver bracteatum (un nom générique des grands orientalis présentant des bractées foliacées) qui avait été mise en valeur pour remplacer le pavot somnifère dans l'industrie pharmaceutique. C'est sa forte carrure et sa bonne production d'alcaloïdes précurseurs (thébaïne) qui peut intéresser l'industrie, alors que son taux d'agents narcotiques majeurs (morphine...) est naturellement peu élevé, tout comme sa production de latex. Par modification génétique ou croisement, il est pressenti de pouvoir lui faire produire une très forte quantité de codéine ou de thébaïne avec un taux très faible de morphine. Cependant la découverte d'une série de dérivés de la thébaïne beaucoup plus forts que la morphine (buprénorphine, étorphine, oripavine... Certains sont plus puissants que la morphine, mais parfois très toxiques) firent craindre aux administrations une transformation beaucoup plus avantageuse de la plante par les laboratoires clandestins en ces substances, au bas mot 10 à 100 fois plus productives que la transformation du pavot somnifère en héroïne, ce qui fit abandonner alors l'idée de répandre ce type de pavot.
Le papaver orientalis est plus généralement confondu avec le pavot noir par les grainetiers bien qu'il s'en détache par sa composition et certains de ses caractères physiques (forme des feuilles, taille de la plante, aspect robuste, fruit déhiscent généralement plus trapu à plateau stigmatique peu débordant et non érigé) qui en font une espèce ou une sous-espèce à part entière de pavot noir mais très diversifiée elle aussi.
Il n'existe pas naturellement à l'état sauvage en Occident, étant une création locale et ancestrale de variétés orientales qui n'ont été diffusées en Europe que tardivement dans un intérêt horticole décoratif ; ne présentant par ailleurs aucun atout céréalier ni médical sur les pavots noirs et blancs alors utilisés. Ses graines sont noires et leur vocation alimentaire limitée.
Papaver somniferum noir
[modifier | modifier le wikicode]Le pavot noir à graines bleues, encore appelé pavot bleu ou pavot à œillette, se montre le plus varié et élégant et son Histoire avec l'Homme est complexe. C'est lui que l'on désigne en agriculture traditionnelle et dans la flore vernaculaire sous le simple nom de pavot ou pavot somnifère. Par extension, il peut porter le nom de pavot à opium.
Son plateau stigmatique est débordant, dentelé par sectionnement lors de son développement et souvent érigé à maturité. De toutes tailles et aux pétales variés, il produit des graines alimentaires et était appelé œillette au même titre que d'autres plantes céréalières et oléagineuses. Cette appellation générique d'œillette, ou oliette, n'est pas spécifique au pavot à graines bleues. Il a longtemps été une source très importante d'huile alimentaire, particulièrement en Europe, et ce n'est qu'au XIXe siècle que l'opium - et non pas le pavot en lui-même (sa décoction médicale ou ses sirops par exemple) - fut envisagé comme un stupéfiant en Occident.
Il n'est généralement vendu qu'à l'état de semence horticole puisqu'il ne supporte pas bien la transplantation et ne peut donc être vendu en pot. C'est cependant le type de pavot le plus recherché par les jardiniers à la fois sur ses formes rustiques (aux pétales lilas) et ses croisements possibles. Sa culture ornementale se montre par endroit discrète en raison de la symbolique et de la morale qui lui sont attachées mais aussi de sa toxicité accidentelle (intoxication d'enfants) ou même des risques de convoitise. Il y a donc dans le pavot une notion de précaution qui couronne sa personnalité très emblématique.
Le pavot noir se retrouve à l'état sauvage à proximité des endroits où il a été cultivé mais reste globalement une plante rare. Les souches primitives sont devenues très peu nombreuses et ont pu disparaître à force de pollinisation croisée avec l'agriculture et d'envahissement des espèces cultivées, pour peu que la plante n'ait pas été intégralement créée et développée par la culture de l'Homme à l'instar de la laitue comestible et du tabac. Les souches sauvages ne représenteraient finalement que des cultivars témoins, figés ou à nouveau croisés, de la plante évoluées à plusieurs époques. Ce sont donc le plus souvent des espèces agricoles à graines bleues comestibles qui peuvent se rencontrer en place des espèces dites, ou retournées, à l'état sauvage et leur fruit est alors très majoritairement indéhiscent. Elles n'ont souvent été sélectionnées que pour leur abondance céréalière et présentent des pétales simples identiques au pavot setigerum (lilas, rouges ou blancs). C'est encore ce dernier qui apparaît comme l’ancêtre le plus direct ou comme le cousin de l’ancêtre des pavots somnifères sans pouvoir le déterminer avec certitude. L'une des plus vieilles et célèbres variétés médiévales du pavot somnifère présente une élégante fleur double à fleur de pivoine d'un rouge sombre et était utilisée en agriculture tout autant que dans les monastères et leurs hospices.
Les variétés aujourd'hui utilisées par l'industrie pharmaceutique, sélectionnées cette fois-ci dans un but médical, sont issues des souches céréalières rudimentaires exsudant peu d'opium mais suffisamment rentables à l'échelle industrielle après extraction de la paille de pavot. Les remèdes les plus anciens, (telle la thériaque), ou encore les préparations diacodes ou de méconium du Moyen Âge, ont utilisé ce type de pavot, principe même des opiats, c'est-à-dire des véhicules médicamenteux ou héroïques, dont il est aussi à l'origine de plusieurs noms. Malgré les tentatives tardives, surtout au XIXe siècle, l'opium n'a pourtant jamais été récolté avec succès de ce pavot dans les programmes nationaux occidentaux cherchant à en produire. La drogue opium, ainsi que toute sa problématique qui ne se découvrit finalement que très tard dans la période historique, ne se trouva pas issue de cette sous-espèce, contrairement aux médicament opiacés traditionnels, issus d'infusion ou de décoction de la plante, primitifs du Moyen Âge et de l'antiquité, qu'elle avait largement composé.
Papaver somniferum blanc
[modifier | modifier le wikicode]Le pavot blanc est encore appelé le pavot à opium et n'est aujourd'hui que très rarement cultivé. Il est directement lié à la responsabilité des pouvoirs publics depuis la convention internationale de l'opium de 1912 et les conventions uniques sur les stupéfiants (et les substances psychotropes). Certains pays l'interdisent dans la loi, d'autres par arrêté. Ses interdictions peuvent s'étendre à l'ensemble des autres grands pavots.
D'aspect assez identique au pavot à graines bleues, les siennes sont blanches, de taille et de forme identiques, et ne présentent pas d'aussi bonnes vertus oléagineuses et gustatives. Son opium est abondant. C'est de ce pavot que l'on a tiré l'opium stupéfiant et médical qui fut à la fois le plus grand vecteur des progrès et des découvertes de la médecine autant que l'un de ses plus singuliers défis sanitaires qui amena pour la première fois à devoir légiférer sur les produits stupéfiants toxiques au début du XXe siècle. On notera que par ces mesures de vigilance et de législation internationale mises en place à cause des problématiques de l'opium et qui engloberont tous les autres stupéfiants, la proportion d'usagers dépendants de drogue a ainsi été divisée par 3 en 100 ans dans la population mondiale adulte depuis les premiers pas de la commission sur l'opium.
Utilisations
[modifier | modifier le wikicode]Thérapeutique
[modifier | modifier le wikicode]L'usage de décoctions de pavot est un remède traditionnel dans les régions où la plante peut être cultivée, notamment du fait de ses vertus sédatives.
Les variétés traditionnelles en Europe du pavot noir à œillette, qui étaient utilisées dans les sirops diacodes et les décoctions domestiques, forment des capsules sèches grosses comme des noix, d'à peu près un gramme une fois débarrassées de leurs graines, et plus du triple en volume et en poids (taille d'un œuf de poule), ou même huit à dix fois plus pour les variétés à grandes capsules grosses comme une balle de tennis. Ces deux dernières forment les catégories théoriques des pavots officinaux. Indifféremment des variétés, elles peuvent renfermer 1 à 4 % d'opium sec (5 % pour le pavot officinal sélectionné) contenant des taux communs de 3 à 12 % de morphine et une grande variabilité d'autres alcaloïdes.
L'opium très abondant des pavots à graines blanches est réputé supérieur dans la qualité de ses effets narcotiques sans être nécessairement plus fort que celui des variétés noires (nigrum = bleues et parfois pourpres ou marron à maturité). Les variétés stupéfiantes des pavots blancs de sélection afghane utilisées exclusivement par les narco-trafiquants, donnent un opium exceptionnellement riche de 20 % de morphine ; l'opium moins bien toléré des œillettes bleues peut atteindre un taux lui aussi très fort de 16 % malgré une faible présence de ce suc dans la plante.
L'opium fut l'objet d'une large littérature médicale, qui s'avéra cohérente, exhaustive et concordante malgré son approche empirique et la grande variété des cultivars observés. Les variétés à petites capsules (grosseur de noix), les plus communes, peuvent laisser exsuder 25 mg d'opium de qualité variable par fruit et ont été très utilisées avant tout pour la production de graines comestibles mais aussi de manière domestique pour leurs vertus curatives satisfaisantes chez l'adulte et considérées, non sans risque, administrables aux enfants. Elles ont cependant été à l'origine d'intoxications mortelles chez les nourrissons et les enfants quand il était d'usage de les faire infuser dans leur lait pour soulager leurs maux ou les garder endormis le temps où les parents travaillaient. Les médecins avaient par ailleurs alerté sur des observations de retard musculaire et cognitif chez les enfants régulièrement intoxiqués au pavot.
Les dosages de base que présentent les pavots communs à petites capsules ne diffèrent pas de l'usage équivalant que la médecine a aujourd'hui de la codéine (10 mg équivalant d'opium officinal pour 10mg de codéine base, bien qu'elle s'avère développer certains effets paradoxaux plus importants et des effets principaux plus faibles, avec des doses standards de 8 à 60mg chez l'adulte, correspondant en effet à l'amplitude constatée selon les variétés d'une consommation d'une à deux petites capsules. Pour des dosages plus forts dépassant le cadre des affections courantes comme l'analgésie de puissantes douleurs telles les douleurs cancéreuses ou post-opératoires, la morphine ou ses équivalents majeurs lui sont aujourd'hui préférés). Les doses des médicaments opiacés n'ont cessé de les garder comme repère réel ou estimé pour fixer les unités de prise.
L'adoption du protocole d'augmentation et de sevrage de la morphine détacha l'usage traditionnel de l'usage moderne dans les années 1990 et permit de comprendre les mécanismes de cette dernière pour son usage efficace, sécurisé et facile au sevrage même s'il doit passer par de fortes doses lors du traitement. La distinction entre morphiniques majeurs et mineurs laissa la possibilité de garder la codéine et la codéthyline jusque dans le domaine de l'automédication, puisqu'elles ne répondent qu'aux effets mineurs et de manière partielle de l'opium en n'induisant qu'une sensation de soulagement en cas d'existence rigoureuse d'un maux. À défaut, leur usage à forte dose n'apporte que congestion et nausée et c'est ce qui représente leur particularité de sécurité sur l'opium.
Le pavot
[modifier | modifier le wikicode]Toutes les variétés de pavot somnifère ont été utilisées, parfois indifféremment, en officine dans la confection d'extraits (teinture, laudanum, sirop, extrait sec, opium...), depuis le simple pavot des jardins jusqu'à des formes gigantesques de pavots blancs et noirs développés dans un but médical, narcotique ou ornemental.
Seul le pavot dit sauvage (Papaver setigerum) dont les capsules sont de la taille d'une olive n'est toujours pas utilisé en médecine moderne et n'en présente pas le potentiel ni la productivité. Ses plants produisent dix à vingt fois moins d'opium, lui-même deux à quatre fois moins riche en morphine mais il contient un taux très supérieur de papavérine qui lui confère un potentiel antispasmodique théoriquement beaucoup plus significatif que l'opium du pavot somnifère. Son descendant, le pavot oriental se montre beaucoup plus productif tout en gardant une composition assez semblable à celui du pavot setigerum. Cette composition les rapproche de celle de la tige de pavot (sans capsule).
Il arrive que les graines de pavot soient utilisées en phytothérapie dans une optique antispasmodique pour leur action très légère (relative principalement à la papavérine qu'elles contiennent) ; aucune autre partie du pavot n'est du ressort de la phytothérapie, étant considéré comme un poison connu et problématique. Les graines de pavot présenteraient en outre des vertus aphrodisiaques (fonction érectile, afflux sanguin vers les parties génitales) quand elles sont patiemment mâchées à hauteur de 3 à 4 cuillères à café (15 grammes), en reproduisant le principe de l'apomorphine selon les propriétés présentées à très faible dose par divers alcaloïdes du même groupe. Cependant, les mêmes alcaloïdes administrés à des doses plus significatives (plus de 2 mg de morphine) développent au contraire un effet sédatif sur la libido qui pouvait être recherché pour calmer les ardeurs chez les personnes en recherche de chasteté, contre la spermatorrhée, ou même pour aider à prolonger l'acte masculin.
L'utilisation de pavots à très grandes coques ne s'est répandu que tardivement avec la découverte des pavots exotiques (turcs, persans...) et d'homologues européens aux XVIe et XVIIe siècles notamment. Pour une même taille, les fruits de souches exotiques se montreraient couramment deux fois plus forts que ceux des souches européennes (opium plus abondant mais pas forcément plus concentré). La sélection de pavots à vocation médicinale permit cependant de révéler des souches de pavots aussi forts dans les régions occidentales (0,5 % de morphine dans le fruit sec).
Le pavot à opium officinal (dont l'opium sec doit posséder selon le critère actuel le plus précisément 10 % de morphine) est devenu un repère pharmaceutique pour mesurer l'opium et quantifier la capacité thérapeutique des pavots dès le XVIe siècle et plus scientifiquement au XIXe siècle. C'est un pavot blanc, parfois noir, à moyenne ou grande coque, sélectionné pour sa rentabilité, son adaptation constante aux climats sous lesquels il est cultivé et qui produit au moins 30 mg d'opium extractible manuellement par capsule pour en permettre la récolte. Il contient généralement le taux maximum de morphine dans sa paille, soit 0,5 %, ce qui est son unité de mesure la plus stable. Les formes les plus volumineuses, notamment asiatiques et japonaises peuvent produire plus de 200 mg d'opium à 15 % par fruit et jusqu'à 40 mg de morphine au totale (fruit sec de 8 grammes en moyenne, certains peuvent atteindre plus de 12 grammes). Les variétés les plus utilisées pour leur rendement produisent autour de 80 à 100 mg d'opium par fruit de 3 à 4 grammes.
L'usage pharmaceutique industriel de l'œillette à graines bleues, typiquement européenne et méditerranéenne, ne s'est démarqué qu'au XIXe siècle pour remplacer l'opium exotique et finalement ne produire que les alcaloïdes au XXe siècle. Elle possède un opium inférieur (effets secondaires à forte dose), moins abondant, issu de petites et moyennes capsules, mais qui peut s'avérer concentré en morphine. Certaines variétés qui ont fait l'objet de sélections passées parmi les cultivars traditionnels en Europe atteignent 5 mg et plus de morphine par gramme de fruit sec égrainé, tout comme les variétés orientales, et ont demandé une vigilance accrue dans leur utilisation pour prévenir les surdosages accidentels (la morphine montre des effets sédatifs toxiques chez l'adulte dès 10 à 20 mg). L'opium de l'œillette bleue possède aussi un fort pourcentage de codéine et de divers agents histaminiques qui limitent les mésusages par leurs effets indésirables, notamment en fumée et en transformation injectable qui font apparaître d'importantes démangeaisons et des bouffissures du visage, même transformé en héroïne (cas de l'héroïne artisanale russe, ou kompot, demandant une adjonction quasi systématique d'antihistaminiques). Mais l'industrie pharmaceutique y trouve aujourd'hui la famille spécifique de molécules qu'elle a appris à purifier et transformer, à travers une variété de pavot qui a bénéficié dès le Moyen Âge d'une bonne estime en usage thérapeutique oral, notamment par sa sécurité : taille limitée des capsules, présence d'agents antagonistes agissant en cas de surdosage, dosage connu et identifiable par les usages traditionnels, pas de faveur chez les opiomanes usant de fortes doses ou de voies directes, capacité thérapeutique fiable.
La paille de pavot désigne la tête sèche et tout ou partie de la tige. C'est à l'état naturel la plante séchée sur pied. La tige, contenant à poids égal quatre fois moins de principes morphiniques majeurs que le fruit égrainé, a été utilisée pour la production de remèdes et de médicaments variés. Traditionnellement, la tige de pavot est considérée comme agissant plus spécifiquement que les autres parties de la plante sur l'écoulement nasal, les spasmes et se montre calmante dans les toux sèches et d'irritation. Elle contient beaucoup plus de papavérine que le fruit, jusqu'à 5 fois la valeur de la morphine. La feuille s'utilisait elle aussi comme composant de potions, mais sa faible concentration en agents actifs n'en faisait pas un remède comparable à l'opium ni au fruit du pavot. Cependant, la tige put être mise en valeur par le mode de production industriel qui facilite l'extraction et le raffinage pour n'en retirer aujourd'hui que les alcaloïdes transformés. La présence d'agents narcotique dans la tige fut mise accidentellement en évidence au XIXe siècle.
C'est à la fin du XIXe siècle que le pavot européen utilisé en agriculture pour ses graines alimentaires sera estimé à nouveau pour produire la morphine puis la codéine qui ont dès lors pu remplacer jusqu'à sa quasi-totalité l'opium officinal importé des pays producteurs. L'enjeu était économique et permettait aussi de s'affranchir des enjeux politiques des guerres de l'opium puis de mieux appréhender les conventions sur les stupéfiants et leur maîtrise. Il ne s'agissait cependant que d'une redécouverte du potentiel pharmaceutique des pavots indigènes qui avaient en effet servi tout au long du Moyen Âge et de la renaissance, notamment pour produire de l'huile alimentaire à bas prix. L'usage exclusif d'opium importé avait supplanté l'usage médical du pavot entre le XVIIe et le XIXe siècle en faisant oublier son potentiel médical.
L'utilisation dans l'industrie pharmaceutique de la paille de pavot jusqu'à sa tige, s'est finalement redéployée sur la production déjà existante des graines alimentaires avant de se spécialiser aujourd'hui par secteur économique (morphine et dérivés produis majoritairement en zone européenne, "fleurs séchées" d'ornement traitées en aspect naturel ou colorées produites, graines alimentaires de pavot bleu de Turquie, production médicinale à grande échelle).
La paille était considérée jusqu'alors comme un déchet peu maniable ou non viable de l'agriculture mais la chimie et l'industrie lui ouvrirent des perspectives nouvelles, allant de la médecine jusqu'à des formules de pesticides. La décoction des têtes de pavot vendues comme produit de droguerie, pouvait être la base de préparations domestiques à vocation pesticide, tout comme le tabac. Industriellement, l'usage de la tige (généralement les 2/3 supérieurs de la plante) compense la petite taille des fruits et incrémente à plus du double la production des alcaloïdes totaux. Ces derniers sont aujourd'hui extraits de la paille, isomérisés en thébaïne puis transformés à nouveau en alcaloïdes désirés atteignant alors un degré pur avec une rentabilisation maximale de la plante.
L'opium
[modifier | modifier le wikicode]L'opium, latex produit par incision de la capsule avant maturité, est utilisé par l'industrie pharmaceutique car il contient des dizaines d'alcaloïdes : morphine, codéine, thébaïne, etc.
Le plus réputé, et qui servit de référence jusqu'à la fin du XIXe siècle, était l'opium de Smyrne dont la mesure révéla un taux de 14 % de morphine sur certains échantillons alors que les autres opiums ne titraient parfois pas les 6 %. Il s'avéra aussi que les opiums du commerce maritime pouvaient n'être que des méconiums fabriqués à partir d'extrait hydraulique de paille de pavot et non pas de son incision, altérant de fait les produits médicaux obtenus avec le danger de rendre leur utilisation aléatoire.
Il n'a été majoritairement utilisée en médecine occidentale qu'à partir du XVIIe siècle en remplaçant les préparations plus traditionnelles à base de pavot (généralement les sirop et les teintures de vin). Le codex médical préconisait au XIXe siècle son utilisation chez l'adulte à la hauteur d'un à huit grains par jour, le grain renfermant lui-même 3 à 6 mg de morphine selon la qualité standard de l'opium alors employé (6 à 12 % de morphine).
Le pharmacien délayait la quantité prescrite de sirop d'opium ou de pavot dans une potion que le malade devait prendre selon un nombre de fractions quotidiennes. La potion pouvait contenir d'autres principes actifs prévus par l'ordonnance et il appartenait au pharmacien d'indiquer au patient la posologie ou l'usage de la préparation obtenue (nombre de cuillères correspondant, écart des prises selon les vertus de certains composants nécessitant rapprochement ou espacement...). La teneur de l'opium ainsi que ses formes de préparations ou encore leurs appellations suivant les médecins et les pharmaciens ont pu entraîner des confusions et des accidents dans sa prescription.
Le narcotisme désignait l'état dans lequel pouvait se trouver un patient ayant absorbé une trop forte dose par erreur et s'accompagne des effets secondaires courants des opiacés : nausée et vomissements, sédation, tremblement, frissons, somnolence, difficultés d'endormissement, difficultés au lever, démangeaisons cutanées, constipation... La prise de 4 grains (212 mg) d'opium par jour s'avéra la dose seuil selon l'apparition des effets secondaires chez l'adulte et détermina les usages des prescriptions courantes ainsi que les indications du codex. Il ne fut accordé et observé que peu de valeur addictive ou récréatives à l'opium dans le cadre médical. L'usage détourné ou prolongé des formes médicales ne surviendra qu'avec la prise de conscience de l'usage de l'opium sous ses formes stupéfiantes. L'apparition de certaines formes médicales se confondit cependant avec les usages narcotiques assidus et importants.
Sa teinture la plus célèbre est le laudanum, notamment le laudanum de Sydenham dans la médecine occidentale les propriétés sédatives puissantes de la teinture (hydro-alcoolique) d'opium auquel il donna le nom latin de "louange". Concentré en principes actifs, généralement 100 grammes d'opium pour un litre de teinture obtenue (le double pour le laudanum de Rousseau), le laudanum visait surtout un usage analgésique mais pouvait se prescrire dans diverses affections comme la diarrhée aiguë (élixir parégorique) dont il était aussi un remède spécifique et efficace à de faibles doses, ou encore les états de fièvre ou les inflammations douloureuses dans lesquels il montrait des effets bénéfiques mais avec plus ou moins de succès à défaut de connaître des traitements plus adaptés et mieux ciblés.
La liste des affections dans lesquelles l'opium pouvait être prescrit dépasse la longueur de celle de tout autre principe et malgré sa contre-indication ou son absence d'efficacité dans certains maux, il est avec la nigelle comestible l'une des plantes solennelles à avoir été assimilée à une panacée. Le laudanum avait l'avantage de posséder une composition et un dosage relativement fiables et référentiels, d'avoir une longue conservation, mais il suscita de nombreux usages détournés et pouvait se consommer en société ou comme drogue légalement accessible à bas prix.
Le Laudanum fut très utilisé avant sa substitution par la morphine et la codéine dont les dosages sont encore plus rigoureux et pratiques. La codéine apporte en outre une sécurité accrue face à l'opium et à ses risques d'intoxication et de manie ; si elle libère bien de la morphine, celle-ci ne se loge pas sur les mêmes récepteurs endogènes. L'extrait sec obtenu par décoction, expression des têtes de pavot, collage (ou décantation de plusieurs jours après précipitation des protéines par l'alcool) et séchage du résidu, encore appelé méconium, n'est pas aussi manipulable ni ne se conserve comme l'opium mais il en présente le potentiel médical et toxique et peut même être déteint en laudanum de moindre qualité. Après collage, il présente jusqu'à 40 % les concentrations morphiniques de l'opium (il est donc 2,5 fois moins fort et titre 4 % de morphine), alors que brut et avec une simple filtration il ne présente une concentration que de 15 % celle de l'opium (titrage à 1,5 % de morphine, tout comme le concentré de paille de pavot M), le concentré brut étant cependant 3 fois plus concentré en principes actifs que le fruit sec sans graine. Le pavot est aussi utilisé illégalement pour produire des stupéfiants, héroïne notamment. L'héroïne, ou diacétylmorphine, n'est pas un alcaloïde de l'opium : elle est synthétisée chimiquement, par réaction avec l'anhydride acétique en présence d'acétone, à partir de la morphine plus ou moins raffinée.
Les dérivés tardifs du pavot
[modifier | modifier le wikicode]À la fin du XIXe siècle, avec la banalisation et l'usage concentré des remèdes à base de pavot, d'opium puis de morphine, l'agent héroïque du pavot - signifiant l'agent actif d'une substance et qui est ici la morphine - commença à générer des usages quotidiens et des dépendances qui caractérisent l'intoxication morphinique et qui se traduisent par un besoin d'augmenter les doses alors que l'effet décline et se montre même déficient, c'est-à-dire en état de manque entre les prises quand elles ne sont plus augmentées puis rapprochées.
La diacétylmorphine se montra lors de sa découverte le remède à ce manque que les usagers en addiction trouvaient douloureux et handicapant, qu'ils n'arrivaient plus à combler et qu'elle avait visiblement la capacité de soulager en permettant de retrouver des effets compensateurs. La diamorphine prit donc le nom symbolique, de l'agent héroïque ou substance active ultime que l'on pensait même soigner du mal du pavot couronné : héroïne.
Il s'avéra que sa toxicomanie était en fait plus forte, son action dopaminique plus importante et que le manque par accoutumance ou par abstinence survenait lui aussi et avec d'autant plus d'intensité. Elle se montre 1.5 fois plus puissante qu'elle dans ses effets narcotiques généraux avec une efficacité encore 2 à 3 fois supérieure dans sa profondeur analgésique ou encore ses effets sujets à une dépendance. Il est donc possible de combler l'effet narcotique ou de manque de 30 à 45 mg de morphine avec seulement 10 mg d'héroïne (contre 20 à 30 mg pour le même effet narcotique) qui ne présente pas à cette dose et dans un contexte de substitution, d'effet narcotique ni stupéfiant. En revanche, l'usage de l'héroïne à des doses narcotiques se montre dès lors 2 à 3 fois plus accrochant que celui de la morphine ou de l'opium (et la codéine 3 à 5 fois moins que la morphine à dose narcotique équivalente ou considérée comparables malgré leurs différences, 200 mg pour 30 mg).
De nos jours, l'héroïne n'est plus utilisée en médecine que dans quelques pays qui la préfère toujours à la morphine en lui trouvant divers avantages qui avaient fait son succès originel (abaissement du seuil narcotique par des doses équianalgésiques plus efficaces, absence de dépression en effet morphinique à la quatrième heure d'action, protocole identique à celui de la morphine...).
La 6-(mono)acéthylemorphine, ou 6-MAM, qui ne doit pas être confondue, n'est pas une héroïne mais en présente les vertus et elle est en outre le métabolite intermédiaire entre la diamorphine absorbée et la morphine disponible dans l'organisme. Elle se montre plus active que la diamorphine. Elle est aléatoirement obtenue par l'acidification par le vinaigre de la décoction ou par teinture dans le vinaigre qui transforme ainsi certains alcaloïdes tout en les suspendant par action acide sous forme de sels (alors rapidement assimilables par digestion).
Le premier produit standardisé reconnu en médecine occidentale fut la teinture acétique d'opium dont les dosages se rapprochent de ceux du laudanum. Elle se montrerait à peine plus forte que la simple teinture hydro-alcoolique mais ses effets s'avèrent plus lourds que cette dernière avec notamment une capacité, à forte dose, à réduire l'activité neurologique, les allants et la vigilance en montrant un effet sédatif plus marqué. Ceci est aussi dû en partie à la capacité de l'acide acétique à transporter la narcotine, aux effets soporifiques, alors que la préparation des opiums favorise son élimination par divers traitements par l'eau (chandoo, extrait sec utilisé en pharmacie...). Il s'agit donc d'un morphinique particulier dont la médecine n'a finalement pas retenu d'usage et alors même que les différences de composition dues à cette préparation lui sont restées longtemps insoupçonnées, bien que pressentis.
La potentialisation de l'opium par une transformation acétique était en effet le principe de la goutte noire, ou black drop, le laudanum acétique anglais, dont la mystérieuse réputation d'être un produit plus pointu et héroïque que le laudanum continental ne trouvera son explication rationnelle que par la science moderne. Dès lors cette médecine garda l'usage des dérivés acétiques dont elle a le plus ancien recul.
Plusieurs formules existent donnant différentes dissolutions à l'opium mais son principe original est de procéder à une macération suffisante et dynamique dans les composés du vinaigre. Une recherche et une explication ésotérique de type alchimique de la goutte noire, mais aussi de la diamorphine et secret du suc avec séparation initiale des phases aqueuses et coagulantes par le bain et l'étuve de l'opium), assèchement au milieu de la conduction puis hydratation par le vinaigre (posca, elle-même portant théoriquement le principe acétylé dérivé de l'opium qui y était dissout.
En dehors de cet usage isolé du monde anglais et du haut de l'Amérique du Nord, cette transformation très simple de l'opium n'a pourtant pas historiquement retenu l'attention des opiomanes qui avant l'apparition très médiatique de l'héroïne lui ont toujours préféré le chandoo ou à défaut le laudanum standard. La composition de la goutte noire étant restée longtemps très mystérieuse et difficile à doser ou quantifier pour la médecine qui y trouvait bien une différence de produit, et les usagers n'ayant pas montré plus d'appétence ou de compulsion pour l'un ou l'autre dans ce test originel en double aveugle.
Des usages
[modifier | modifier le wikicode]L'intention stupéfiante avec le pavot ou l'un de ses dérivés est soumise aux règlements sur les stupéfiants prévoyant emprisonnement et amendes. Les désordres sociaux (familiaux, médicaux, dépendance, économiques, conduite d'abandon...) relatifs à son utilisation peuvent être soumis aux injonctions administratives et judiciaires (droits parentaux, injonction thérapeutique, obligation de sevrage ou de substitution, suivit médical et social, présentation régulière à la police ou à la justice). Un remède à base de pavot ou de l'un de ses dérivés ne peut être attribué par un tiers non médecin hors du cercle du foyer et en toute connaissance de cause. Il ne peut faire l'objet de commerce. L'usage et la détention de certains dérivés sont interdits (héroïne, pâte à fumer, concentrés...). Aucun usage stupéfiant n'est permis. L'intoxication par le pavot ou l'un de ses dérivés peut dépendre à la fois de l'usage des stupéfiants comme de l'usage avec ou sans préméditation des poisons.
Rappelons enfin que si l'usage interne du pavot existe toujours de manière traditionnelle à travers le monde, que ce soit dans l'usage alimentaire des graines ou l'extrait de coque sèche ou même d'opium brut par des bergers et des paysans dans le seul cadre de leur consommation médicamenteuse et en l'absence de tout autre produit stupéfiant, le mésusage et la dégradation des sites et des spécimens est sanctionné chez les personnes ne sachant généralement pas quelle variété elles utilisent ni à quelle fin médicale exacte elle peut être destinée (absence de relation traditionnelle avec le cultivar).
Certaines variétés sont protégées pour leur rareté, d'autres sont réglementées par communes (pavot blanc ou variétés horticoles) et d'autres poussent de manière parasite sur des terrains privés (champs, tout comme le coquelicot) et leur prélèvement relève alors de l'effraction et du vol qualifié qui aggrave la hauteur des sanctions ainsi que les mesures de veille et de prévention (décrets d'arrachage, mise en place d'observatoires et d'action policière...).
C'est finalement le comportement individuel qui façonne et alourdit la réglementation effective sur les pavots depuis les conventions uniques de 1961 et 1971 sur les stupéfiants. Chaque nouveau décret limitant les usages ou les accès au pavot depuis les années 1970 est la conséquence d'une déviance ou encore d'une infraction grave constatée au niveau médical ou judiciaire (effraction, revente, addiction, prosélytisme et indiscrétion, consommation en groupe festif perturbateur (phénomène resté discret et méconnu du public tant dans le mouvement hippie que dans les milieux toxicomanes de la fin du XXe siècle manipulant le rachacha ou méconium en tant que produit, succédané et substitution d'arrêt ; il a connu un engouement plus candidement tapageur avec les free parties du début du XXIe siècle, entraînant sa médiatisation), polytoxicomanie (certaines utilisateurs de drogues de synthèse comme l'ecstasy emploient des opiacé pour calmer la descente et pouvoir se reposer ou dormir plus vite), intoxications (dangers par overdose des produits opiacés, toxicomanie)...)
Production
[modifier | modifier le wikicode]La culture du pavot semble être connue de l'homme depuis longtemps puisque des vestiges du néolithique suggèrent déjà des cultures de pavot somnifère à proximité des villages. Le commerce et la production de ses dérivés sont d'abord réglementés en 1912 par la convention internationale de l'opium puis par la Convention unique sur les stupéfiants de 1961. Il ne s'agit que des dérivés du pavot et non de la culture du pavot en lui-même qui reste autorisée et largement pratiquée soit pour l'alimentation, soit pour un usage décoratif.
Production licite
[modifier | modifier le wikicode]Il s'agit ici avant tout de la culture légale de pavot pour la production de morphine à usage pharmaceutique, pour son intérêt ornemental et pour la production de graines de destinées à la cuisine. Du pavot à opium est cultivé légalement dans une vingtaine de pays pour la production de morphine pharmaceutique. Tous ces pays produisent de la paille de pavot (c'est-à-dire du pavot sur pied), à l'exception de l'Inde qui produit de l'opium (le suc qui exsude des capsules de pavot lors de leur incision). Quelques 10 000 hectares de pavot sont ainsi cultivés en France pour la production de paille de pavot de laquelle est ensuite extraite la morphine.
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Champ de pavots
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détail de la capsule
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Papaver somniferum