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{{Histoire de la langue grecque}}
On appelle '''langue''' ou '''dialecte homérique''' la langue employée dans l’''[[Iliade]]'' et l’''[[Odyssée]]'' d’[[Homère]].


On appelle '''langue''' ou '''dialecte homérique''' la langue employée dans l’''[[Iliade]]'' et l’''[[Odyssée]]'' d’[[Homère]], ainsi que dans les hymnes appelés [[hymnes homériques]].
Cette langue [[épopée|épique]], déjà archaïque au {{VIIIe siècle av. J.-C.}}, est fondée essentiellement sur les [[dialectes grecs|dialectes]] ionien et éolien. Elle alterne formes archaïques et classiques. Déjà sous l’Antiquité, ces particularités étaient expliquées par les nécessités de la [[vers|métrique]] grecque. Les [[scholie|scholiastes]] et les grammairiens, comme [[Eustathe de Thessalonique]], parlent ainsi de la « contrainte du mètre » ({{grec ancien|ἀνάγκη τοῦ μέτρου}}), en l’espèce l’[[hexamètre dactylique]].

Cette langue [[épopée|épique]], déjà archaïque au {{VIIIe siècle av. J.-C.}}, est fondée essentiellement sur les [[dialectes du grec ancien|dialectes]] [[ionien (dialecte)|ionien]] et [[Éolien (dialecte)|éolien]]. Elle alterne formes archaïques et classiques. Déjà sous l’Antiquité, ces particularités étaient expliquées par les nécessités de la [[vers|métrique]] grecque. Les [[scholie|scholiastes]] et les grammairiens, comme [[Eustathe de Thessalonique]], parlent ainsi de la « contrainte du mètre » ({{grec ancien|ἀνάγκη τοῦ μέτρου}}), en l’espèce l’[[hexamètre dactylique]].


Les Modernes ont repris cette analyse, montrant que cette contrainte préside à la préservation de formes archaïques, l’introduction de nouvelles ou même la création de formes artificielles. Pour [[Milman Parry]], l’existence d’un tel langage, artificiel et adapté aux besoins spécifiques du poète, prouve que ce langage est traditionnel et employé par tous les [[aède]]s de l’époque homérique. Ce postulat a formé la base de sa thèse de l’oralité et de ses explications sur l’[[épithète homérique]].
Les Modernes ont repris cette analyse, montrant que cette contrainte préside à la préservation de formes archaïques, l’introduction de nouvelles ou même la création de formes artificielles. Pour [[Milman Parry]], l’existence d’un tel langage, artificiel et adapté aux besoins spécifiques du poète, prouve que ce langage est traditionnel et employé par tous les [[aède]]s de l’époque homérique. Ce postulat a formé la base de sa thèse de l’oralité et de ses explications sur l’[[épithète homérique]].
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=== Voyelles ===
=== Voyelles ===


De manière générale, l’alpha long ({{grec ancien|ᾱ}}) de l’ionien-attique (grec classique) est remplacé en ionien par un êta ({{grec ancien|η}}). Ainsi, {{grec ancien|ἡμέρα}} / {{Lang|grc-Latn|''hêméra''}} (le jour) devient {{grec ancien|ἡμέρη}} / {{Lang|grc-Latn|''hêmérê''}}, {{grec ancien|Ἣρα}} / {{Lang|grc-Latn|''Hèra''}} (la déesse [[Héra]]) devient {{grec ancien|Ἣρη}} / {{Lang|grc-Latn|''Hếrê''}}. Les {{grec ancien|ᾱ}} conservés s’expliquent par un allongement compensatoire, un éolisme (par exemple {{grec ancien|θεά}} / {{Lang|grc-Latn|''theá''}}, « déesse ») ou encore un allongement du alpha bref ({{grec ancien|ᾰ}}) pour les besoins de la [[métrique]]. Cet allongement métrique se retrouve également dans le passage de {{grec ancien|ε}} à {{grec ancien|ει}} ou de {{grec ancien|ο}} à {{grec ancien|ου}}.
De manière générale, l’alpha long ({{grec ancien|ᾱ}}) de l’ionien-attique (grec classique) est remplacé en ionien par un êta ({{grec ancien|η}}). Ainsi, {{grec ancien|ἡμέρα}} / {{Lang|grc-Latn|''hêméra''}} (le jour) devient {{grec ancien|ἡμέρη}} / {{Lang|grc-Latn|''hêmérê''}}, {{grec ancien|Ἣρα}} / {{Lang|grc-Latn|''Hèra''}} (la déesse [[Héra]]) devient {{grec ancien|Ἣρη}} / {{Lang|grc-Latn|''Hếrê''}}. Les {{grec ancien|ᾱ}} conservés s’expliquent par un allongement compensatoire, un éolisme (par exemple {{grec ancien|θεά}} / {{Lang|grc-Latn|''theá''}}, « déesse ») ou encore un allongement du alpha bref ({{grec ancien|ᾰ}}) pour les besoins de la [[métrique (poésie)|métrique]]. Cet allongement métrique se retrouve également dans le passage de {{grec ancien|ε}} à {{grec ancien|ει}} ou de {{grec ancien|ο}} à {{grec ancien|ου}}.


Homère emploie souvent, par archaïsme, des formes non contractes. Ainsi, il utilise {{grec ancien|ἄλγεα}} / {{Lang|grc-Latn|''álgea''}} pour {{grec ancien|ἄλγη}} / {{Lang|grc-Latn|''álgê''}} (la douleur). Certaines formes contractes sont irrégulières. De même, les finales ne subissent pas de [[métathèse]] (permutation) de quantité : {{grec ancien|βασιλῆος}} / {{Lang|grc-Latn|''basilễos''}} et non {{grec ancien|βασιλέως}} / {{Lang|grc-Latn|''basiléôs''}}.
Homère emploie souvent, par archaïsme, des formes non contractes. Ainsi, on retrouve la forme {{grec ancien|ἄλγεα}} / {{Lang|grc-Latn|''álgea''}} (les douleurs) au lieu de {{grec ancien|ἄλγη}} / {{Lang|grc-Latn|''álgê''}} ou encore χάζεο<ref>{{Ouvrage|auteur1=Homère|titre=Iliade|passage=Livre V, 440|lire en ligne=https://www.greek-language.gr/digitalResources/ancient_greek/library/browse.html?text_id=158&page=44}}</ref> / ''khádzeo'' (écarte-toi) au lieu de χάζου / ''khádzou.'' Certaines formes contractes sont irrégulières. De même, les finales ne subissent pas de [[métathèse (linguistique)|métathèse]] (permutation) de quantité : {{grec ancien|βασιλῆος}} / {{Lang|grc-Latn|''basilễos''}} et non {{grec ancien|βασιλέως}} / {{Lang|grc-Latn|''basiléôs''}}.


Il existe des formes qui subissent une [[distension]], c’est-à-dire que d'une longue accentuée peut naître une brève : {{grec ancien|εἰσοράασθαι}} < {{grec ancien|εἰσοράσθαι}}.
Il existe des formes qui subissent une [[distension]] (''diektasis''), c’est-à-dire que d'une longue accentuée peut naître une brève : {{grec ancien|εἰσοράασθαι}} < {{grec ancien|εἰσοράσθαι}}.


L’[[apocope]] est automatique pour certaines prépositions telles que {{grec ancien|παρά}}, {{grec ancien|κατά}} ou {{grec ancien|ἀνά}}, mais touche aussi beaucoup d'autres mots. Elle est généralement associée à un phénomène d’[[assimilation]].
L’[[apocope]] est automatique pour certaines prépositions telles que {{grec ancien|παρά}}, {{grec ancien|κατά}} ou {{grec ancien|ἀνά}}, mais touche aussi beaucoup d'autres mots. Elle est généralement associée à un phénomène d’[[assimilation (phonétique)|assimilation]].


=== Consonnes ===
=== Consonnes ===
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Homère conserve le double sigma ({{grec ancien|σσ}}) de l’ionien et de l’ancien attique, là où l’ionien-attique écrit un double tau ({{grec ancien|ττ}}). Il alterne également formes à simple ou double sigma, pour des raisons de scansion.
Homère conserve le double sigma ({{grec ancien|σσ}}) de l’ionien et de l’ancien attique, là où l’ionien-attique écrit un double tau ({{grec ancien|ττ}}). Il alterne également formes à simple ou double sigma, pour des raisons de scansion.


Bien que le [[digamma]] ({{grec ancien|Ϝ}}) ait disparu dès le {{Ier millénaire av. J.-C.}}, il est encore employé pour des raisons de [[scansion]]. Ainsi du vers 108 du chant I de ''l'Iliade'' :
Bien que le [[digamma]] ({{grec ancien|Ϝ}}, qui représentait le son [w]) ait disparu, il est encore employé pour des raisons de [[scansion]]. Ainsi du vers 108 du chant I de ''l'Iliade'' :
{{Citation bloc|{{grec ancien|ἐσθλὸν δ’ οὔτέ τί πω [ϝ]εἶπες [ϝ]έπος οὔτ’ ἐτέλεσσας}}}}
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{{Citation bloc|et jamais rien de bon n’a pu sortir de tes paroles}}
{{grec ancien|ἐσθλὸν δ’ οὔτέ τί πω [Ϝ]εἶπες [Ϝ]έπος οὔτ’ ἐτέλεσσας}}<br />
« et jamais rien de bon n’a pu sortir de tes paroles »
</blockquote>


À l’initiale, le digamma permet d’empêcher l’[[hiatus]] ; à l’intérieur d’un mot, il empêche la contraction. Il peut aussi allonger une voyelle par sa chute. On trouve par exemple {{grec ancien|κούρη}} à la place de {{grec ancien|κόρη}}.
À l’initiale, le digamma permet d’empêcher l’[[Hiatus (linguistique)|hiatus]] ; à l’intérieur d’un mot, il empêche la contraction. Il peut aussi allonger une voyelle par sa chute. On trouve par exemple {{grec ancien|κούρη}} à la place de {{grec ancien|κόρη}}.


Le dialecte homérique est partialement un dialecte à [[psilose]] ([[amuïssement]] du son [h] et donc disparition de l’[[aspiration (phonétique)|aspiration]]) : {{grec ancien|ἥλιος}} / {{Lang|grc-Latn|''hếlios''}} (soleil) devient {{grec ancien|ἠέλιος}} / {{Lang|grc-Latn|''êélios''}}.
Le dialecte homérique est partiellement un dialecte à [[psilose]] ([[amuïssement]] du son [h] et donc disparition de l’[[aspiration (phonétique)|aspiration]]) : {{grec ancien|ἥλιος}} / {{Lang|grc-Latn|''hếlios''}} (soleil) devient {{grec ancien|ἠέλιος}} / {{Lang|grc-Latn|''êélios''}}.


== Morphologie ==
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=== Déclinaison ===
=== Déclinaison ===


Certaines terminaisons adverbiales sont utilisées dans la déclinaison : {{grec ancien|-θεν}} pour le génitif et {{grec ancien|-φι}} pour le datif.
Certaines terminaisons adverbiales sont utilisées dans la déclinaison : {{grec ancien|-θεν}} pour le génitif et {{grec ancien|-φι}} pour le [[datif]].


==== Première déclinaison ====
==== Première déclinaison ====
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=== Conjugaison ===
=== Conjugaison ===
On notera la présence de nombreuses formes irrégulières :


=== Le verbe être ===
==== Le verbe « être » ====
* {{grec ancien|ἔσσι}} = {{grec ancien|εἶ}} (tu es)
* {{grec ancien|ἔσσεαι}} = {{grec ancien|ἔσει}} (tu seras)
* {{grec ancien|ἔσσεται}} = {{grec ancien|ἔσται}} (il sera)
* {{grec ancien|ἔην / ἦεν}} = {{grec ancien|ἦν}} (j'étais; il était)
* {{grec ancien|ἔσαν}} = {{grec ancien|ἦσαν}} (ils étaient)


===== Les aoristes de plusieurs verbes =====
On notera la présence de nombreuses formes irrégulières :

* {{grec ancien|ἔσσι}} = {{grec ancien|εἶ}}
* ἤλυθον = ἦλθον (je vins)
* {{grec ancien|ἔσσεαι}} = {{grec ancien|ἔσει}}
* (ἔ)κηον = ἔκαυσα (je brûlai)
* {{grec ancien|ἔσσεται}} = {{grec ancien|ἔσται}}

* {{grec ancien|ἔην / ἦεν}} = {{grec ancien|ἦν}}
===== Les parfaits de quelques verbes =====
* {{grec ancien|ἔσαν}} = {{grec ancien|ἦσαν}}
ὄπωπα = ἑώρακα (j'ai vu)

γεγαώς = γεγονώς (étant né/devenu)

== Notes et références ==
{{Références}}


== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
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* [[Épithète homérique]]
* [[Épithète homérique]]
* [[Dialectes du grec ancien]].
* [[Dialectes du grec ancien]].
* [[linguistique]]
** [[liste de langues]]
*** [[langues par famille]]
**** [[langues indo-européennes]]
***** [[langues helléniques]]
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=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===


Pour les positions classiques :
Pour les positions classiques :
* P. Chantraine, ''Grammaire homérique'', Klincksieck, coll. « Tradition de l'humanisme », t.&nbsp;I (1958) et II (1953), nombreuses réimpr. ;
* [[Pierre Chantraine]], ''Grammaire homérique'', Klincksieck, coll. « Tradition de l'humanisme », tomes I (1958) et II (1953), nombreuses réimpr. ;
* {{en}} [[Milman Parry|M. Parry]], « The Study of Homeric Style », dans ''The Making of Homeric Verse: The Collected Papers of Milman Parry'', Oxford University Press, 1971 ;
* {{en}} [[Milman Parry|M. Parry]], « {{lang|en|texte=The Study of Homeric Style}} », dans ''{{lang|en|texte=The Making of Homeric Verse: The Collected Papers of Milman Parry}}'', [[Oxford University Press]], 1971 ;
* {{en}} L. R. Palmer, « The Language of Homer », dans A. J. B. Wace et F. H. Stubbings (éd.), ''A Companion to Homer'', Macmillan, Londres, p.&nbsp;75-178 ;
* {{en}} L. R. Palmer, « {{lang|en|texte=The Language of Homer}} », dans A. J. B. Wace et F. H. Stubbings (Eds.), ''{{lang|en|texte=A Companion to Homer}}'', Londres Macmillan, {{p.|75-178}} ; {{Lire en ligne|lien=https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.40673/page/n111/mode/2up?view=theater|consulté le=5 juillet 2024}}
* P. Wathelet, ''Les Traits éoliens dans la langue de l’épopée grecque'', Ateneo, Rome, 1970.
* P. Wathelet, ''Les Traits éoliens dans la langue de l’épopée grecque'', Rome, Ateneo, 1970.


La part respective des éléments ioniens et éoliens est débattue, avec des résultats antagonistes, dans deux livres capitaux :
La part respective des éléments ioniens et éoliens est débattue, avec des résultats antagonistes, dans deux livres capitaux :
* {{de}} O. Hackstein, ''Die Sprachform der homerischen Epen. Faktoren morphologischer Variabilität in literarischen Frühformen. Tradition, Sprachwandel, Sprachliche Anachronismen'', Reichert, Wiesbaden, 2002 ;
* {{de}} O. Hackstein, ''{{lang|de|texte=Die Sprachform der homerischen Epen. Faktoren morphologischer Variabilität in literarischen Frühformen. Tradition, Sprachwandel, Sprachliche Anachronismen}}'', Wiesbaden, Reichert, 2002 ;
* D. Haug, ''Les Phases de l'évolution de la langue épique. Trois études de linguistique homérique'', Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2002.
* D. Haug, ''Les Phases de l'évolution de la langue épique. Trois études de linguistique homérique'', Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2002.


=== Liens externes ===
{{Portail|Hellenopedia|littérature}}

* Danièle Thibault, « La langue d'Homère », in Dossier ''Homère, sur les traces d'Ulysse,'' BNF, « Les Essentiels », 2006 {{Lire en ligne|lien=https://essentiels.bnf.fr/fr/litterature/antiquite/523f3805-7ddb-43de-90c6-d1e964e8b833-homere-sur-traces-ulysse/article/c30c3014-42e4-4ccc-9412-09c846f4754a-langue-homere|consulté le=5 juillet 2024}}
* Nathalie Rousseau, « Principaux traits de la langue homérique », sur etymologika.hypotheses.org, 2021, màj 2024 {{Lire en ligne|lien=https://etymologika.hypotheses.org/1627|consulté le=5 juillet 2024}}
{{Palette|Histoire de la langue grecque}}
{{Portail|Grèce antique|littérature}}


[[Catégorie:Histoire du grec]]
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[[ca:Grec homèric]]
[[Catégorie:Inventaire de langues]]
[[en:Homeric Greek]]
[[es:Griego homérico]]
[[he:יוונית הומרית]]
[[it:Lingua omerica]]
[[pl:Greka homerycka]]
[[pt:Grego homérico]]

Dernière version du 5 juillet 2024 à 15:40

On appelle langue ou dialecte homérique la langue employée dans l’Iliade et l’Odyssée d’Homère, ainsi que dans les hymnes appelés hymnes homériques.

Cette langue épique, déjà archaïque au VIIIe siècle av. J.-C., est fondée essentiellement sur les dialectes ionien et éolien. Elle alterne formes archaïques et classiques. Déjà sous l’Antiquité, ces particularités étaient expliquées par les nécessités de la métrique grecque. Les scholiastes et les grammairiens, comme Eustathe de Thessalonique, parlent ainsi de la « contrainte du mètre » (ἀνάγκη τοῦ μέτρου), en l’espèce l’hexamètre dactylique.

Les Modernes ont repris cette analyse, montrant que cette contrainte préside à la préservation de formes archaïques, l’introduction de nouvelles ou même la création de formes artificielles. Pour Milman Parry, l’existence d’un tel langage, artificiel et adapté aux besoins spécifiques du poète, prouve que ce langage est traditionnel et employé par tous les aèdes de l’époque homérique. Ce postulat a formé la base de sa thèse de l’oralité et de ses explications sur l’épithète homérique.

Phonétique

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De manière générale, l’alpha long () de l’ionien-attique (grec classique) est remplacé en ionien par un êta (η). Ainsi, ἡμέρα / hêméra (le jour) devient ἡμέρη / hêmérê, Ἣρα / Hèra (la déesse Héra) devient Ἣρη / Hếrê. Les conservés s’expliquent par un allongement compensatoire, un éolisme (par exemple θεά / theá, « déesse ») ou encore un allongement du alpha bref () pour les besoins de la métrique. Cet allongement métrique se retrouve également dans le passage de ε à ει ou de ο à ου.

Homère emploie souvent, par archaïsme, des formes non contractes. Ainsi, on retrouve la forme ἄλγεα / álgea (les douleurs) au lieu de ἄλγη / álgê ou encore χάζεο[1] / khádzeo (écarte-toi) au lieu de χάζου / khádzou. Certaines formes contractes sont irrégulières. De même, les finales ne subissent pas de métathèse (permutation) de quantité : βασιλῆος / basilễos et non βασιλέως / basiléôs.

Il existe des formes qui subissent une distension (diektasis), c’est-à-dire que d'une longue accentuée peut naître une brève : εἰσοράασθαι < εἰσοράσθαι.

L’apocope est automatique pour certaines prépositions telles que παρά, κατά ou ἀνά, mais touche aussi beaucoup d'autres mots. Elle est généralement associée à un phénomène d’assimilation.

Homère conserve le double sigma (σσ) de l’ionien et de l’ancien attique, là où l’ionien-attique écrit un double tau (ττ). Il alterne également formes à simple ou double sigma, pour des raisons de scansion.

Bien que le digamma (Ϝ, qui représentait le son [w]) ait disparu, il est encore employé pour des raisons de scansion. Ainsi du vers 108 du chant I de l'Iliade :

« ἐσθλὸν δ’ οὔτέ τί πω [ϝ]εἶπες [ϝ]έπος οὔτ’ ἐτέλεσσας »

« et jamais rien de bon n’a pu sortir de tes paroles »

À l’initiale, le digamma permet d’empêcher l’hiatus ; à l’intérieur d’un mot, il empêche la contraction. Il peut aussi allonger une voyelle par sa chute. On trouve par exemple κούρη à la place de κόρη.

Le dialecte homérique est partiellement un dialecte à psilose (amuïssement du son [h] et donc disparition de l’aspiration) : ἥλιος / hếlios (soleil) devient ἠέλιος / êélios.

Morphologie

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Déclinaison

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Certaines terminaisons adverbiales sont utilisées dans la déclinaison : -θεν pour le génitif et -φι pour le datif.

Première déclinaison

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Certains masculins, employés dans des épithètes homériques, ont un nominatif en alpha bref : ainsi, Homère utilise ἱππότᾰ / hippotă au lieu du classique ἱππότης / hippótês (cavalier).

Le génitif masculin est en -εω (ex : Πηληιάδεω Ἀχιλῆος, « Achille fils de Pélée », premier vers de l’Iliade). Quelques formes archaïques en -ᾱο subsistent (ex : Ἀτρείδαο ou Αἰακίδαο).

Au génitif pluriel, la forme non contracte en -άων (ex : θεῶνθεάων) est d’origine dorienne.

Deuxième déclinaison

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Le génitif singulier peut être aussi bien l’archaïque mycénien -οιο que le classique ου. De même, le datif pluriel en -οισι alterne avec le classique -οις.

Troisième déclinaison

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Le datif pluriel peut être une forme en -εσσι. Le type πόλις fait son génitif en -ιος et son datif en . Le type βασιλεύς voit parfois apparaître un η.

Conjugaison

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On notera la présence de nombreuses formes irrégulières :

Le verbe « être »

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  • ἔσσι = εἶ (tu es)
  • ἔσσεαι = ἔσει (tu seras)
  • ἔσσεται = ἔσται (il sera)
  • ἔην / ἦεν = ἦν (j'étais; il était)
  • ἔσαν = ἦσαν (ils étaient)
Les aoristes de plusieurs verbes
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  • ἤλυθον = ἦλθον (je vins)
  • (ἔ)κηον = ἔκαυσα (je brûlai)
Les parfaits de quelques verbes
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ὄπωπα = ἑώρακα (j'ai vu)

γεγαώς = γεγονώς (étant né/devenu)

Notes et références

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  1. Homère, Iliade (lire en ligne), Livre V, 440

Articles connexes

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Bibliographie

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Pour les positions classiques :

  • Pierre Chantraine, Grammaire homérique, Klincksieck, coll. « Tradition de l'humanisme », tomes I (1958) et II (1953), nombreuses réimpr. ;
  • (en) M. Parry, « The Study of Homeric Style », dans The Making of Homeric Verse: The Collected Papers of Milman Parry, Oxford University Press, 1971 ;
  • (en) L. R. Palmer, « The Language of Homer », dans A. J. B. Wace et F. H. Stubbings (Eds.), A Companion to Homer, Londres Macmillan, p. 75-178 ; [lire en ligne (page consultée le 5 juillet 2024)]
  • P. Wathelet, Les Traits éoliens dans la langue de l’épopée grecque, Rome, Ateneo, 1970.

La part respective des éléments ioniens et éoliens est débattue, avec des résultats antagonistes, dans deux livres capitaux :

  • (de) O. Hackstein, Die Sprachform der homerischen Epen. Faktoren morphologischer Variabilität in literarischen Frühformen. Tradition, Sprachwandel, Sprachliche Anachronismen, Wiesbaden, Reichert, 2002 ;
  • D. Haug, Les Phases de l'évolution de la langue épique. Trois études de linguistique homérique, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2002.

Liens externes

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  • Danièle Thibault, « La langue d'Homère », in Dossier Homère, sur les traces d'Ulysse, BNF, « Les Essentiels », 2006 [lire en ligne (page consultée le 5 juillet 2024)]
  • Nathalie Rousseau, « Principaux traits de la langue homérique », sur etymologika.hypotheses.org, 2021, màj 2024 [lire en ligne (page consultée le 5 juillet 2024)]