Gullgubber
Gullgubber (norvégien, prononcé [ˈɡʉ̀lɡʉbər]) ou guldgubber (danois, prononcé [ˈkulˌkupɐ]), guldgubbar (suédois, prononcé [ˈɡɵ̂ldˌɡɵbːar]), sont des objets d'art, des amulettes ou des offrandes trouvés en Scandinavie et datant de l'âge du fer nordique.
Description et informations générales
Ils sont constitués de fines pièces d'or battu (parfois d'argent), de petite taille, généralement entre 1 et 2 cm2. Ils étaient le plus souvent estampillés d'un motif, et sont les plus anciens exemples de toreutique en Europe du Nord.
Le mot gullgubbe signifie « petit vieux d'or » et est tiré d'un rapport publié en 1791 par Nils Henrik Sjöborg[1], dans lequel il indique que les villageois de Ravlunda, Scania, qui les trouvaient dans les dunes, les appelaient guldgubbar[2].
Au total, approximativement 3 000 gullgubber ont été trouvés. Ils proviennent d'environ 30 sites en Norvège, en Suède et au Danemark, où la majorité fut retrouvée. Pas moins de 2 350 de ces objets ont été trouvés au village de Sorte Muld (da), sur l'île danoise de Bornholm, tandis que plus de 100 ont été trouvés à Lundeborg, près de Gudme sur l'île danoise de Funen, et 122 à Uppåkra en Suède, dans la province historique de Scanie[3]. Peu de gullgubber ont été trouvés jusqu'à présent en Norvège, bien que 19 aient été découverts lors de fouilles à l'église de Vingrom à Oppland entre 2003 et 2005, et la répartition des découvertes a pu, et peut être encore affectée, par des circonstances actuelles ainsi que par la situation politique au moment où les objets ont été déposés à l'endroit de leur découverte[4].
Ces objets datent de la fin de l'âge du fer. Plus précisément de la fin de l'âge des migrations jusqu'au début de l'âge viking, en particulier ce que l'on appelle en Norvège, l'ère mérovingienne ou en Suède l'Âge de Vendel, qui s'étend de 550 à 800 après J.C.. Cependant il peut être difficile de dater ces objets. En effet, ils ont souvent été trouvés dans des contextes qui ne permettaient pas la datation ou dans lesquels ils n'ont pas été datés. Il semble probable qu'ils aient remplacé les bractéates, qui nécessitent beaucoup plus de métal, après que l'obtention d'or de l'Empire byzantin soit devenue difficile[5].
Représentation et usage
De nombreux gullgubber trouvés en Norvège et en Suède représentent un homme et une femme se faisant face. Ils sont parfois enlacés, parfois avec une branche ou un arbre visible entre eux. Parfois, les genoux des personnages sont pliés et ils peuvent être représentés en train de danser[6]. Ils sont presque toujours habillés, les vêtements étant généralement représentés avec soin, avec des tenues plus formelles que décontractées. Certains ne comprennent qu'un seul personnage, masculin, féminin, ou un animal. D'autres sont des découpes non estampillées. Sharon Ratke, dans sa thèse sur les gullgubber, a ajouté une autre catégorie, celle des "spectres" et suggère que cela pourrait indiquer que certains de ces objets étaient un hommage aux morts ou aux voyageurs. Elle rejette la notion de danse, interprétant ces figures comme statiques et les classant ainsi parmi les spectres[7].
Une interprétation courante du motif de l'homme et de la femme sur le gullgubber est qu'il symbolise le mariage sacré entre le dieu Vanir Freyr et le jötunn Gerðr, évoqué dans le poème eddique Skírnismál[8]. Certains ont interprété la branche d'arbre comme une référence au bosquet, Barri, où Gerðr accepte de rencontrer Freyr ; d'autres ont noté sa ressemblance avec l'angélique des jardins, une plante associée à la fertilité. On peut, dans ce cas, penser que les gullgubber étaient destinés à assurer la fertilité[9], ou qu'ils étaient conçus comme une représentation du couple mythique qui a donné naissance à une lignée de chefs[10]. De sources historiques, nous savons, par exemple, que la lignée Yngling a retracé son ascendance jusqu'à Fjölnir, fils de Gerðr et Freyr.
Des découvertes récentes ont quelque peu changé le regard porté sur les gullgubber. Près de 2 500 ont été trouvés à Sorte Muld, sur l'île danoise de Bornholm. Il s'agit de loin le nombre le plus élevé retrouvés sur tous les sites[11]. Et de 2000 à 2004, 122 gullgubber, la deuxième découverte comprennant le plus d'objets de ce genre, a été faite non loin de là, à Uppåkra en Suède. Plusieurs de ceux trouvés sur les deux sites sont similaires; certains ont été fabriqués à l'aide des mêmes matrices ou patrices. Quatre matrices et une partie d'un cinquième ont été trouvées à Uppåkra, qui était donc vraisemblablement le point de fabrication d'au moins certains des gullgubber de Sorte Muld. De plus, certains gullgubber trouvés sur d'autres sites présentent, eux aussi, de fortes similitudes avec certains d'Uppåkra. Certains provenant d'Uppåkra sont exceptionnellement précis dans leurs détails[12],[13]. À Uppåkra, ils ont été trouvés dans les trous de poteaux et les fossés muraux d'un bâtiment, qui serait, d'après les interprétations, un hof païen. Ces objets sont ainsi généralement appréciés, de nos jours, comme étant des ex-votos[14].
Des tentatives récentes ont été faites pour interpréter les gestes des couples représentés sur gullgubber en fonction de sources médiévales telles que le Miroir des Saxons. Des scènes de fiançailles, par exemple, ont pu être identifiées[15],[16]. Cependant, à Uppåkra mais aussi à Sorte Muld, la majorité des gullgubber ne représentent pas de couples. À Uppåkra, la plupart représentent des hommes, un plus petit nombre représentent des femmes et seuls quelques-uns représentent des couples[17],[18]. Certaines caractéristiques iconographiques des personnages uniques - un geste du pouce sur la bouche associé à un voyant comme dans les représentations de la légende de Sigurð, un groupe de personnages avec des massues et deux autres avec des bâtons ou des sceptres de longueurs différentes - ont été considérées comme liées individuellement à des dieux nordiques[19].
Emplacements des découvertes
Gullgubber a été trouvé sur 42 sites en Norvège, en Suède et dans un grand nombre d'emplacements au Danemark[20]. Certains de ces endroits les plus remarquables sont :
- Borg, Lofoten, Norvège
- Borge, Østfold, Norvège
- Église de Mære, Nord-Trøndelag, Norvège - IXe siècle, découverte lors de fouilles en 1968 [21]
- Église Vingrom, Lillehammer, Norvège - découverte lors de fouilles entre 2003 et 2005
- Kongsvik, Tjeldsund, Nordland, Norvège – découverte dans les années 1740 [22]
- Hauge, Klepp, Rogaland, Norvège – environ 700-800 avant J.C.
- Slöinge, Halland, Suède – environ 690 avant J.C.
- Helgö, Uppland, Suède
- Uppåkra, près de Lund, Scania, Suède – découverte datant de 111
- Sorte Muld, Bornholm, Danemark - 2 480 objets trouvés[23], datés avec ceux d'Uppåkra du VIe siècle[24]
- Lundeborg, Gudme, Funen, Danemark – daté d'environ 100 après J.C.
- Västra Vång, Blekinge, Suède - 29 objets découverts en 2013. Il s'agit le troisième plus grand nombre trouvé en Suède.
Environ 1 800 gullgubber sont exposés au musée Bornholm à Rønne. La plupart des gullgubber d'Uppåkra peuvent être vus au musée historique de l'université de Lund.
Références
- Margrethe Watt, "The Gold-Figure Foils (Guldgubbar) from Uppåkra", « https://web.archive.org/web/20160304093219/http://www.uppakra.se/backup/docs/uppakra10/U10_06.pdf »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), in Lars Larsson, ed. Continuity for Centuries: A ceremonial building and its context at Uppåkra, southern Sweden. Stockholm: Almqvist & Wiksell, 2004, (ISBN 91-22-02107-8) p. 167-221, p. 167.
- Topographia paroeciæ Raflunda et monumentorum quæ circa sunt: quam publico examini offerunt praeses Nicolaus H. Sjöborg et respondens Gustavus Sjöborg (dissertation, University of Lund, 1791, Latin), OCLC 248443661; later account in Swedish in Nils Henrik Sjöborg, Försök till en nomenklatur för nordiska fornlemningar, Stockholm: Delén, 1815, p. 112.
- Watt, p. 168 (map), 169 (Uppåkra).
- Martin Rundkvist, "Östergötland's First Gold Foil Figure Die Found at Sättuna in Kaga Parish", Fornvännen 102 (2007) 119-22, p. 120 makes this point with respect to the dies used to make gullgubber: unlike the foils themselves, they register on metal detectors, and the fact that they have so far been found concentrated in southern Scandinavia likely reflects the relative prevalence of metal detectorists.
- Rundqvist, p. 119.
- Hilda Roderick Ellis Davidson, Myths and Symbols in Pagan Europe: Early Scandinavian and Celtic Religions, Manchester University Press, 1988, (ISBN 071902207X), p. 121.
- Sharon Ratke and Rudolf Simek, "Guldgubber: Relics of Pre-Christian law rituals?" in Anders Andrén, Kristin Jennbert, Catharina Raudvere, eds., Old Norse Religion in Long-Term Perspectives: Origins, Changes, and Interactions: an international conference in Lund, Sweden, June 3–7, 2004, Lund: Nordic Academic Press, 2006, (ISBN 91-89116-81-X), p. 259-66, p. 262. See also Ann-Britt Falk, "My home is my castle: Protection against evil in medieval times" in Andrén, Jennbert and Raudvere, p. 200-05, p. 202: "Ratke and Simek instead propose an interpretation of their body positions as being of refusal or incapability, they might even be dead".
- E.O.G. Turville-Petre, Myth and Religion of the North: The Religion of Ancient Scandinavia, London: Weidenfeld, 1964, OCLC 460550410, Caption, Fig. 43.
- Ellis Davidson, p. 31-32: "It has been thought that they symbolise the marriage of god and goddess and that they may have been used at weddings, or to bless a new home".
- Watt, p. 217, citing this as a more modern view espoused by Gro Steinsland.
- John McKinnell, "On Heiðr", Saga-Book 25 (2001), 394-417, p. 409 refers to the painstaking methods of the Sorte Muld excavation and suggests that there may have been far more gullgubber at other sites than were found.
- Lars Larsson, "The Iron Age ritual building at Uppåkra, southern Sweden", Antiquity 81 (2007), p. 16 ; pictures p. 18.
- Watt, p. 169, 170, 214.
- For example McKinnell, p. 409 simply refers to "the custom of using goldgubber as temple offerings".
- Watt, p. 208, citing Rudolf Simek.
- Sharon Ratke makes a detailed case for such interpretations on the "Interpretations" page of her site at http://www.guldgubber.de. See also Ratke and Simek in Andrén, Jennbert and Raudvere.
- Larsson, p. 16.
- Watt, p. 216 : "the gold-foil figures from both Uppåkra and Bornholm form the core of [a] southeastern Scandinavian group of mainly single figures".
- Watt, p. 206, 208-11, citing Karl Hauck and on the thumb gesture, Hilda Ellis Davidson. The "seer" figures Hauck relates to Odin, the long-staffed figures to Thor. The few naked, ithyphallic figures may plausibly be related to Freyr.
- Ratke, p. 21 ; Fig. 3.5, p. 22, reproduces a map from Jan Peder Lamm's 2004 article, "Figural Gold Foils Found in Sweden".
- Andreas Haugdahl, Gullgubber from Mære church, Steinkjer Kunnskapsportal, consulté le 4 mai 2010 (Norwegian) : 22 gullgubber were found.
- Gullfunnet i Kongsvik, Tjeldsund lokalhistorielag, 2004, consulté le 4 mai 2010 (Norwegian) : at least 11 gullgubber were found, likely more.
- Ratke, p. 24.
- Watt, p. 216.
Sources bibliographiques
- Jan Peder Lamm. "Figural Gold Foils Found in Sweden". Dans Helen Clarke et Kristina Lamm (éd. ) Excavations at Helgö XVI: Exotic and Sacral Finds from Helgö. Stockholm : Almqvist et Wiksell, 2004. (ISBN 91-7402-339-X)
- Margrethe Watt. "Die Goldblechfiguren ('guldgubber') aus Sorte Muld, Bornholm". Dans Karl Hauck (éd. ) Der historische Horizont der Götterbild-Amulette aus der Übergangsepoche von der Spätantike zum Frühmittelalter : Bericht über das Colloquium vom 28.11.-1.12.1988 in der Werner-Reimers-Stiftung, Bad Homburg. Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1992, (ISBN 3-525-82587-0), p. 195–227.
- Margrethe Watt. "Guldgubber". Dans Christian Adamsen, Ulla Lund Hansen, Finn Ole Nielsen, Margrethe Watt (éd.) Sorte Muld. Rønne: Bornholms Museum og Kulturarvsstyrelsen, 2008, (ISBN 87-88179-11-7), p. 42–53.