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Londres après minuit

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Le Prince de New York
Description de cette image, également commentée ci-après
Affiche de 1927
Titre original London After Midnight
Réalisation Tod Browning
Scénario Waldemar Young
Acteurs principaux
Sociétés de production Metro-Goldwyn-Mayer
Pays de production Drapeau des États-Unis États-Unis
Genre Horreur
Durée 69 minutes
47 minutes (version reconstituée de TCM)
Sortie 1927

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Londres après minuit (London After Midnight ou The Hypnotist) est un film muet américain réalisé par Tod Browning, sorti en 1927. Aujourd'hui considéré comme perdu, il est l'un des exemples les plus célèbres de films disparus de l'histoire du cinéma[1].

Il met en vedette Lon Chaney, star du cinéma muet connu pour ses transformations physiques spectaculaires, dans un double rôle : celui de l'inspecteur Burke de Scotland Yard et celui d'un mystérieux homme aux dents pointues. L'histoire tourne autour d'une série de meurtres apparemment liés au surnaturel dans un manoir londonien.

Londres après minuit est le fruit de la collaboration entre Tod Browning et Lon Chaney, qui ont travaillé ensemble sur plusieurs films remarquables de l'ère du muet. Le film est particulièrement connu pour le maquillage saisissant de Chaney, dont l'image de l'homme aux dents pointues est devenue emblématique du cinéma d'horreur de cette époque. La dernière projection connue du film a lieu en 1935, avant que la seule copie connue ne soit détruite dans l'incendie des archives de la MGM de 1965 (en). Depuis, Londres après minuit est devenu l'un des « saints graal » des collectionneurs de films, alimentant de nombreuses spéculations sur son contenu et sa qualité.

En 2002, Turner Classic Movies a diffusé une reconstitution du film en images fixes basée sur des photographies de plateau et le scénario original, offrant aux spectateurs modernes un aperçu de ce à quoi le film aurait pu ressembler.

Synopsis

Roger Balfour est retrouvé mort dans sa maison de Londres une nuit. Burke, un inspecteur de Scotland Yard, après avoir interrogé tout le monde présent, déclare la mort comme un suicide malgré les objections du voisin et ami proche de Balfour, Sir James Hamlin.

Cinq ans plus tard, la famille Hamlin commencent à apercevoir des lumières étranges dans le manoir Balfour désormais abandonné et laissé en ruines avant de réaliser que les nouveaux locataires sont deux figures vampiriques : un homme aux cheveux hirsutes, coiffé d'un grotesque chapeau haut-de forme, vêtu d'une grande cape noire et arborant un sourire inquiétant, et une femme pâle silencieuse aux airs perdus et à la mine fantomatique, et portant de longues robes. Cela pousse James Hamlin à rappeler Burke, qui découvre que Hamlin et les autres présents (la fille de Balfour, Lucille, son majordome, Williams, et le neveu de Hamlin, Arthur Hibbs) étaient les seules autres personnes présentes dans la demeure de Balfour lorsqu'il est mort. Après avoir remarqué que le nouveau bail du manoir porte exactement la même signature que celle du défunt Roger Balfour, Burke reste sceptique quant à l'existence des morts-vivants, et, avec Sir James, exhume la tombe de Roger Balfour pour découvrir qu'elle est vide. Après une série d'événements macabres ; de la rencontre de la bonne Miss Smithson avec l'Homme au chapeau haut-de forme dans une chambre, à la fille vampire volant comme une chauve-souris depuis le plafond du manoir Balfour, et à la vue du cadavre vivant de Roger Balfour, Burke révèle à Lucille qu'il croit que son père a été assassiné.

Après avoir pris des précautions pour protéger la chambre de Lucille des vampires, la jeune fille est emmenée au manoir Balfour. Alors que Sir James est instruit de se rendre au manoir, il rencontre l'Homme au chapeau haut-de forme (qui se révèle être Burke) et est hypnotisé pour croire qu'il est cinq ans plus tôt. Dans le manoir, les événements menant à la mort de Balfour sont recréés et rejoués, et tous regardent en secret Sir James tuer Roger Balfour et maquiller son suicide afin d'épouser finalement la fille de Balfour, Lucille, contre la volonté du défunt. Une fois appréhendé, Burke lève la transe et identifie Sir James comme le meurtrier.

Fiche technique

Distribution

Notes de production

Carte promotionnelle originale.

Le maquillage de Lon Chaney pour le film inclut des dents pointues et un effet hypnotique dans le regard, obtenu avec des montures en fil de fer spéciales qu'il porte comme des monocles. Selon les comptes rendus encore existants, il donne délibérément au personnage du « vampire » une qualité absurde, car il s'agit du personnage du détective de Scotland Yard, également interprété par Chaney, déguisé. Les photos survivantes montrent que c'est la seule fois où Chaney montre sa célèbre mallette de maquillage à l'écran.

L'histoire est une œuvre originale de Tod Browning, avec Waldemar Young, qui a précédemment travaillé avec Browning sur Le Club des trois et L'Inconnu, en tant que scénariste. Young a été précédemment employé comme journaliste à San Francisco, période durant laquelle il a couvert plusieurs célèbres enquêtes de meurtre, une distinction qui lui vaut d'être salué comme connaissant « le mystère par expérience réelle[2] ».

Pour ajouter de l'authenticité au personnage de Chaney et à l'atmosphère des scènes de la maison hantée, des chauves-souris, des tatous et des hiboux sont utilisés[3].

Lon Chaney dans sa pose de chauve-souris.

Lorsque Londres après minuit est projeté en avant-première au Miller Theater dans le Missouri, les musiciens de scène Sam Feinburg et Jack Feinburg doivent préparer des mélodies pour accompagner les éléments surnaturels du film. Les musiciens utilisent Ase's Todd et Eritoken de Greig, Dramatic Andante de Rappe, la Musique du feu de La Walkyrie de Wagner ainsi que d'autres aspects non répertoriés de Savino, Zimonek et Puccini[4].

Accueil

Selon les archives de la MGM, Londres après minuit rapporte 721 000 $ en locations de salles aux États−Unis et au Canada, et 283 000 $ supplémentaires à l'étranger, offrant au studio un profit de 540 000 $[5][6]. Il devient le plus grand succès de la collaboration entre Chaney et Browning, mais reçoit des critiques mitigées. L'intrigue, qualifiée de « quelque peu incohérente » par The New York Times[7] et de « non-sens » par Harrison's Reports (en)[8], est un point de critique commun. « Le maquillage de M. Chaney est parfois assez hideux pour rendre malade. Il devrait plaire aux morbides. Tout comme les trois ou quatre derniers films avec cette star - répugnant ! ». Malgré tout, le succès commercial de Londres après minuit voit Metro-Goldwyn-Mayer renouveler le contrat de réalisateur de Tod Browning[9].

Lon Chaney en tant que « L'homme au chapeau haut-de forme » dans Londres après minuit.

Une critique positive paraît dans The Film Daily, le qualifiant d'« histoire certaine de perturber le système nerveux des spectateurs les plus sensibles. Des frissons et des événements étranges en abondance. Probablement un peu trop effrayant pour les âmes timides. Si elles ne sont pas effrayées par les apparitions de chauves-souris grimaçantes volant autour, les pièces mystérieuses remplies de toiles d'araignée et les habitants grotesques de la maison hantée, alors elles ont passé le troisième degré[8] ».

The Warren Tribune note que Lon Chaney est « présent dans presque chaque scène, dans un double rôle qui met son talent à l'épreuve à un degré non négligeable ». La critique souligne que cela atténue la prééminence de Chaney et permet à l'intrigue d'être mieux communiquée, mais cela fait également que le film « ne figure pas parmi ses meilleures productions[10] ».

Une critique de The Brooklyn Daily Eagle note : « Il est agréable de signaler également qu'il n'y a pas les éléments de comédie stupides habituels dans Londres après minuit pour gâcher son ambiance sinistre et effrayante. Cela devrait en faire le film mystérieux exceptionnel de l'année[11]». Cependant, elle trouve un défaut dans la direction de Tod Browning car l'atmosphère du film ne recapture pas « l'effet intensément étrange » présent dans La Volonté du mort[11].

Carte promotionnelle.

Le magazine Variety écrit que « Young, Browning et Chaney ont fait une bonne équipe dans le passé mais l'histoire sur laquelle cette production est basée n'est pas de la qualité qui fait de fracassants records dans les salles » ajoutant que, puisque Burke est « un personnage détaché, mécanique et en bois », il ne parvient pas à se connecter de manière significative avec le public. « Cela n'ajoutera rien au prestige de Chaney en tant qu'artiste, ni n'augmentera la valeur de la star au box-office. Cependant, avec le nom de Chaney en lumière, ce film, comme tout film avec Chaney, attirera fortement les spectateurs ».

The New York Times écrit : « C'est un récit quelque peu incohérent, qui, cependant, donne à Lon Chaney l'opportunité de se montrer dans un déguisement inquiétant et aussi de manifester ses pouvoirs en tant qu'expert hypnotiseur de Scotland Yard. Vous êtes donc exposés à des gros plans des orbites roulantes de M. Chaney, qui, heureusement, n'exercent pas leur influence sur le public ».

The Moving Picture World ajoute : « Il y a des moments pendant l'avancée de cette offre de Metro-Goldwyn-Mayer où l'on sent que les éléments essentiels qui font le mystère et l'effroi ont été poussés un peu plus loin que nous ne l'avons noté jusqu'à présent. [...] Le travail excellent de M. Chaney est matériellement aidé par ce grand maître de l'art cinématographique, M. Walthall ».

Lon Chaney montrant sa mallette de maquillage utilisée dans Londres après minuit.

The New Yorker écrit également que « la réalisation, le jeu et les décors sont tous très bons », mais « il essaie trop fortement de créer un effet. M. Browning peut créer des terreurs picturales et Lon Chaney peut se déguiser de manière complètement repoussante, mais leurs efforts sont gâchés lorsque l'histoire n'a pas de sens[12] ».

Motion Picture Magazine (en) écrit : « Lon Chaney est de retour dans un déguisement qui ferait frissonner et trembler toute fille sensible par une nuit sombre, mais qui ne nécessite aucune contorsion ou auto-torture. C'est un film de mystère sombre et répugnant, qui a certains éléments aussi horribles que quiconque pourrait vouloir demander. [...] Vous le regardez avec une sorte de stupeur[13] ».

Photoplay s'enthousiasme : « Le déguisement qu'il utilise pendant qu'il débusque le meurtrier est aussi répugnant que tout ce qu'il a jamais porté. [...] Le suspense est merveilleusement soutenu. Chaney joue un double rôle, et lorsqu'il est vêtu de manière conventionnelle, il est un peu moins convaincant que d'habitude. Dans l'autre rôle, parfait ![13] ».

Perte

La dernière copie connue du film est détruite dans l'incendie des archives de la MGM de 1965 (en), avec des centaines d'autres films rares des débuts du cinéma, ce qui en fait l'un des films muets perdus les plus recherchés. Les historiens du cinéma William K. Everson (en) et David Bradley affirment avoir vu le film au début des années 1950, et un inventaire des archives de la MGM de 1955 montre que la copie est stockée dans le coffre-fort n°7[14].

L'historien Jon C. Mirsalis estime : « Malgré toute la mythologie et l'excitation autour du film, tous les indices montrent qu'il serait une déception s'il était découvert aujourd'hui. Everson et Bradley admettent tous deux que le film est inférieur à La Marque du vampire. Les critiques de l'époque étaient également tièdes, et même la performance de Chaney a reçu moins d'avis enthousiastes que d'habitude. Les décors inquiétants et le maquillage de vampire stupéfiant de Chaney font des photographies intrigantes, mais ces scènes ne représentent qu'une petite partie du film, le reste des images étant consacré aux moments comiques de Polly Moran et aux passages parlés entre le détective Chaney et Walthall. Peut-être est-ce un film qui est vu avec plus de révérence qu'il ne le mérite simplement parce qu'il n'est plus disponible pour étude[15] ».

Remake

Tod Browning fait un remake du film en version sonore en 1935 avec La Marque du vampire qui met en vedette Lionel Barrymore et Béla Lugosi dans les rôles que Lon Chaney avait interprétés dans Londres après minuit.

Restauration et novélisation

Une novélisation du film est écrite et publiée en 1928 par Marie Coolidge-Rask[16].

En 1985, Philip J. Riley publie la première reconstruction photographique de l'intrigue du film, compilée à partir de toutes les photos de production survivantes chez MGM[17].

En 2002, Turner Classic Movies commande au producteur de restauration Rick Schmidlin (en) de reconstituer le film en 45 minutes à l'aide des mêmes photographies[18] et des mouvements de caméra ajoutés. Les photos se succèdent entrecoupées d'intertitres sur un fond musical[19]. Cette version est publiée dans le cadre de la collection DVD The Lon Chaney Collection éditée par les archives TCM[20].

En 2016, Thomas Mann publie le livre London After Midnight: A New Reconstruction Based on Contemporary Sources, suite à la découverte du magazine Boy's Cinema de 11 000 mots publié en 1928. Une deuxième édition est publiée en 2018 suite à la découverte d'une novélisation alternative française du film.

En 2022, une nouvelle étude de l'historien Daniel Titley, intitulée London After Midnight: The Lost Film, est publiée à l'occasion du 95e anniversaire du film. Pour la première fois, des éléments de nitrate du film perdu lui-même sont présentés, ainsi que de nombreuses autres nouvelles découvertes publiées par Keyreads, constituant la découverte la plus marquante du film à ce jour.[21]

Affiche

En 2014, la seule affiche d'époque connue pour le film est vendue à Dallas au Texas, à un enchérisseur anonyme pour 478 000 $, ce qui en fait l'affiche de film la plus cher jamais vendue lors d'une vente aux enchères publique. Cet enchérisseur est ensuite révélé être le guitariste de Metallica, Kirk Hammett[22]. L'affiche fait partie de sa collection exposée au Musée royal de l'Ontario à Toronto[23]. Le film de 1932 La Momie détenait le précédent record pour la vente d'une affiche lors d'une vente aux enchères publique, se vendant pour plus de 453 000 $ en 1997[24].

Références

  • En 2012, l'intrigue des épisodes 5 et 6 de la troisième saison de la série télévisée Whitechapel sont partiellement construits autour du contenu du film.

Postérité

  • Augusto Cruz a fait de ce film le centre de son roman éponyme, publié en 2012

Notes et références

  1. (en) Londres après minuit sur silentera.com
  2. « Lon Chaney Star in London After Midnight Palace », Corsicana Daily Sun (Corsicana, Texas), (consulté le ), p. 5
  3. « Odd things are Required Among Properties Needed in Making Feature Films », (consulté le )
  4. « Lon Chaney Comes to Miller on Wednesday », The Daily Capital News (Jefferson City, Missouri), (consulté le ), p. 3
  5. H. Mark Glancy, « MGM film grosses, 1924-1948: The Eddie Mannix Ledger », Historical Journal of Film, Radio and Television, vol. 12,‎ , p. 127–144 (DOI 10.1080/01439689200260081)
  6. H. Mark Glancy, « Appendix », Historical Journal of Film, Radio and Television, vol. 12,‎ , p. 1–20 (DOI 10.1080/01439689208604539)
  7. Mirsalis, Jon, « London after Midnight (1927) », sur lonchaney.org, (consulté le )
  8. a et b John Soister et Henry Nicolella, American Silent Horror, Science Fiction and Fantasy Feature Films, 1913–1929, McFarland & Company, , 335–336 p.
  9. « London After Midnight », Northern Star, (consulté le )
  10. « After Six in Warren », The Warren Tribune (Warren, Pennsylvania), (consulté le ), p. 3
  11. a et b (en) « At the Capitol », The Brooklyn Daily Eagle, The Brooklyn Daily Eagle (Brooklyn, New York),‎ , p. 30 (lire en ligne)
  12. Oliver Claxton, The Current Cinema, New York, F-R Publishing Company, , 103 p.
  13. a et b Blake, Michael F. (1998). The Films of Lon Chaney. Vestal Press Inc. Page 172. (ISBN 1-879511-26-6).
  14. The Vampire in Folklore, History, Literature, Film and Television: A Comprehensive Bibliography (ISBN 978-0-786-49936-6) p. 148
  15. « London After Midnight (1927) »
  16. Giles, Jane, « London after Midnight The literary history of Hollywood's first vampire movie », Electric Sheep Magazine, (consulté le )
  17. « GoodReads: London After Midnight, A Reconstruction », goodreads.com (consulté le )
  18. (en) Michelle Vogel, Olive Borden: The Life and Films of Hollywood's "Joy Girl", McFarland, (ISBN 978-0-786-44795-4), p. 146
  19. Site sens critique, avis sur le film perdu le plus recherché du cinéma, consulté le 17 octobre 2018
  20. From the Arthouse to the Grindhouse: Highbrow and Lowbrow Transgression in Cinema's First Century, Scarecrow Press, (ISBN 978-0-810-87655-2), p. 39
  21. Cody Hamman, « London After Midnight book digs into the story of the lost silent horror film », sur JoBlo.com, (consulté le )
  22. « Metallica Guitarist Kirk Hammett's Private Collection of Sci-fi and Horror Movie Posters », (consulté le )
  23. « It's Alive! Classic Horror and Sci-Fi Art from the Kirk Hammett Collection | Royal Ontario Museum » [archive du ]
  24. (en) « Poster for 'London After Midnight' Sells for $478K », NBC 5 Dallas-Fort Worth (consulté le )

Liens externes