Célimène Gaudieux
Naissance | |
---|---|
Décès | |
Nom de naissance |
Marie Monique |
Surnom |
Célimène ; Madame Pierre ; Célimène Jeance |
Nationalité | |
Activité | |
Père | |
Mère |
Candice ou Marie Candice |
Conjoint |
Pierre Gaudieux |
Enfant |
Marie Louise Ovida ; Pierre Augustin Gaudieux ; Isaïde Gaudieux ; Cadet Gaudieux ; Célimène Gaudieux ; Amanda Gaudieux |
Parentèle |
Charles Gaudieux (d) (arrière-petit-fils) Évariste de Parny (arrière-grand-père) |
Statuts |
Instrument |
---|
Célimène Gaudieux est une chanteuse métisse française, surnommée la « muse des trois bassins »[3], née à Saint-Paul de La Réunion le , et morte dans cette même commune le . Elle exerça ses talents tout en œuvrant en tant qu'aubergiste au lieu-dit La Saline. Elle sert encore de symbole et de muse à la poésie et à la culture populaire de l'île de La Réunion.
Biographie
[modifier | modifier le code]Ascendance
[modifier | modifier le code]Métisse, Célimène Gaudieux dite alors Marie-Monique naît esclave[3] le à Saint-Paul, d'un père affranchi[4] créole blanc[3] du nom de Louis Edmond Jeance ou Louis Edmond Jans selon les orthographes[3] (Saint-Paul, - Saint-Pierre, ), et d'une mère esclave, Candide ou Marie-Candide, née vers 1790, que son père affranchit en 1811, et dont il se sert ensuite comme domestique. Il s'agit d'un couple mixte illégal qui ne respecte pas les règles du Code Jaune fixée par Colbert[3].
Elle se plaît à se vanter d'être la petite-fille d'Évariste de Parny, poète réunionnais qui aurait eu une liaison avec sa grand-mère maternelle, une esclave malgache du nom de Léda, dont serait née une fille nommée Valère. Celle-ci aurait ensuite épousé un esclave d'Evariste de Parny et aurait donné naissance à trois filles dont l'une pourrait être la mère de Célimène Gaudieux.
Enfance
[modifier | modifier le code]Esclave, Célimène Gaudieux ne va pas à l'école[3].
Peu après l'arrivée des anglais sur l'île en 1810, Marie-Monique et sa mère Marie-Candide sont affranchies par Louis Edmond Jeance. Les archives gardent trace des différentes étapes de cet affranchissement[5]. Elle passe son enfance entre La Saline et Saint Paul.
En 1830, vingt ans après, ses parents jusqu'ici en concubinage se marient, et l'acte de mariage conservé aujourd'hui aux Archives départementales de la Réunion indique la richesse de son père (11 esclaves) et de sa mère (5000 francs et trois esclaves)[6]. Les deux filles sont également légitimées.
En 1833, ses parents se séparent, et l'année suivante, sa sœur décède à la Saline. Son père finit par vendre ses biens et s'installe dans la région du Tampon où il reste cultivateur jusqu'à sa mort.
Vie familiale
[modifier | modifier le code]Célimène Gaudieux donne naissance le 11 janvier 1837 à une fille, Marie Louise Ovida, dont le père Ferdinand Lebreton décède peu de temps après, le 04 août 1837.
Elle épouse ensuite Pierre Gaudieux le à Saint-Paul. Un mariage mixte illégal selon le Code Jaune entre une femme noir « libre de couleur » et un homme blanc « Français de souche »[3]. Né en 1815 à Belvès dans le Périgord, et s'est engagé dans la gendarmerie coloniale. C'est ainsi qu'il arrive à La Réunion en 1837[7] dans la deuxième circonscription de Saint-Paul. Après son mariage, il démissionne de la gendarmerie pour devenir maréchal-ferrand au relais de poste de la Saline[3]. Son activité se développant avec la forte croissance économique, il commence à assurer le dépannage et l'entretien de nombreuses voitures publiques. Ils ouvrent alors une auberge à La Saline pour restaurer et loger les voyageurs, profitant de l'inauguration de la route menant de Saint-Leu aux Hauts Saint-Paul, à une époque où le Cap La Houssaye était infranchissable. Cette aubergne est tenue par Célimène Gaudieux[3]. La mère de Célimène Gaudieux leur offre la jouissance de la propriété de la Saline. Le couple aura 5 enfants : Pierre Augustin en 1841, Isaïde en 1842 (décédée à l'âge de 4 mois), Cadet en 1844, Célimène en 1846 et Amanda en 1848[5].
En juillet 1852, Pierre Gaudieux décède durant l'épidémie de variole qui touche Saint-Paul, laissant Célimène Gaudieux avec cinq enfants à charge. Ayant contracté des dettes, elle est contrainte d'emprunter à Guillaume Aubry, commerçant aisé de Saint Paul, une somme de 1200 francs destinée à constituer une partie de la dote de sa fille Marie Louise, qui épouse en 1854 Guillaume Jean Roger de Villepinte, originaire de Narbonne[5]. Le couple s'installe ensuite à Mayotte, où Guillaume Jean Roger de Villepinte mourut en 1863. Marie Louise Ovida se remarie avec Alfred Louis Zacharie Grenet, d'origine bretonne et chirurgien dans la Marine[5].
Dès novembre 1852, elle met en location sa maison de Saint-Paul, ferme la maréchalerie et se concentre sur l'auberge de la Saline.
Poétesse à l'auberge de la Saline
[modifier | modifier le code]Célimène Gaudieux apprend à lire et écrire lors des leçons particulières données aux enfants occidentaux dans les familles où elle est domestique. Son goût pour l'écrire l'amène à écrire des poèmes en français et en créole, en prose ou en vers. Elle les met en musique en s'accompagnant à la guitare pour les personnes passant à son auberge. Elle commence alors à se faire appeler Célimène et est surnommée la « muse des trois bassins ». Elle est connue pour son style impertinent, chantant à propos des blancs malhonnêtes et des mulâtresse[3].
Elle se fait connaître par des personnalités de voyage comme Louis Simonin ou des personnalités lettrées de l'île, souvent l'élite culturelle locale pour la plupart issu de métropole, qui deviennent ses amis[3]. Parmi lesquels, on compte Pierre de Monforant, professeur au lycée impérial ; Thomy Lahuppe, journaliste ; Eugène Volcy Focard, secrétaire du procureur général et linguiste (auteur d'un ouvrage Le Patois Créole) ; Elie Pajot, historien et ancien maire de Saint Denis ; Jean Marie Raffray, biographe ; Gilles Crestien ; et autres érudits. Le peintre et lithographe Antoine Roussin compte parmi ses admirateurs et l'inclut dans son L'Album de l'île de la Réunion.
Elle surnomme et fait graver sur le fronton de son auberge l'intitulé suivant[3] : « Hôtel des hommes d’esprit, les imbéciles doivent passer sans s’y arrêter »[8].
Représentations
[modifier | modifier le code]En septembre 1861, Alfred Francine grave un premier bois de Célimène Gaudieux d'après un daguerréotype pris par Antoine Roussin, montrant Célimène Gaudieux jouant de la guitare.
Au début de l'année 1862, Antoine Roussin grave à son tour une planche lithographique, où Célimène Gaudieux apparaît habillée d'une robe en drap noir, coiffée d'une capeline et les cheveux retenus en chignon.
Une troisième gravure de Célimène Gaudieux est faite par Charles Joseph Mettais, portraitiste, et publiée dans les numéros 140 et 141 du journal Le Tour du monde d'Edouard Charton[5].
La guitare de Célimène Gaudieux
[modifier | modifier le code]Les trois lithographies la représentent avec une guitare, instrument rare dans son milieu social, et dont la facture indique qu'elle a été produite en métropole.
Celle-ci a été déposée dans le fonds du musée Léon-Dierx en 1911. Elle fait partie depuis 1989 des collections du musée historique de Villèle qui l'a faite restaurer en 2001[9]. Elle a été prêtée au musée Stella Matutina pour les besoins de l'exposition Tschiéga Ségas, Musiques et danses de l'océan Indien (21 septembre 2019 -1er mars 2021).
Décès et héritage
[modifier | modifier le code]À la fin de sa vie, Célimène Gaudieux est épuisée par la maladie et perd son public. En 1863, les diligences ne s'arrêtent plus à la Saline à la suite de la modernisation des voies de communication, ce qui marque la fin de l'auberge également. En novembre 1863, elle quitte l'auberge pour s'installer à Saint-Paul où elle est prise en charge par l'hospice des indigents. Elle décède le 13 juillet 1864 au domicile de Madame Delphine Guadet, rue du Port[3].
Elle est enterrée le lendemain, et le journaliste Thomy Lahuppe écrira dans Le Moniteur de la Réunion le 19 juillet : « Célimène Gaudieux qui ne l'a connue, cette femme poète et compositeur à la fois. Sa verve satirique avait le talent de dérider les fronts les plus soucieux. Elle maniait avec un rare bonheur le patois créole dont elle avait presque fait une langue poétique. Que de bons mots dans ces chansonnettes qu'elle improvisait en épluchant ses pommes de terre »[10].
Un avis nécrologique est également paru le 24 juillet dans le journal La Malle.
Célimène Gaudieux lègue son cahier de chansons au Dr Jean Milhet mais celui-ci disparait. Il ne reste que quelques chansons ou textes, deux lithographies d'Antoine Roussin et sa guitare[11]. Ces biens immobiliers seront vendus par licitation[12].
Ses amis et admirateurs publieront, vingt ans après sa mort, une série d'article sur Célimène Gaudieux (numéros des 21 et 24 juillet, des 8 et 15 septembre 1884), mais il faut attendre 1929 pour qu'une commission présidée par le Gouverneur Émile Merwart s'intéresse à Célimène Gaudieux. Une délégation se rend alors à la Saline pour interroger les vieillards et noter les chansons ainsi que les airs. Seules quelques chansons de Célimène Gaudieux parviennent ainsi jusqu'à nous.
Oeuvres (chansons)
[modifier | modifier le code]- Célimène Gaudieux, Autoportrait de Célimène
- Célimène Gaudieux, Missie L et Blanc Malhonnête
- Célimène Gaudieux, Monsieur de Kerveguen
Postérité
[modifier | modifier le code]Depuis, son art a notamment inspiré le poète Jean Albany. Et Célimène jouit encore aujourd'hui d'une postérité importante.
En 1996, David Hoarau et Patrick Sida, musiciens, créent le duo Célimène. On a baptisé en 2000 un nouveau piton volcanique formé sur les flancs du Piton de la Fournaise à son nom. En 2002, un collège saint-paulois prend officiellement son nom. Une école maternelle de la Ravine des Cabris (Saint-Pierre) porte son nom et propose un panneau explicatif sur la vie de Célimène. Un square à Saline porte son nom[13].
Organisé par le Conseil départemental de La Réunion depuis 2005, le prix Célimène récompense des femmes artistes dans le domaine de la peinture, de la sculpture ou de la photographie.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Louis-Antoine Roussin, Album de la Réunion, tome II, Imprimerie typographique et lithographique, Saint-Denis, île de la Réunion, 1861.
- Louis Simonin, Voyage à l'île de la Réunion (île Bourbon), éditions Le Tour du Monde, 1861.
- Édouard Charton (dir.) et Louis Simonin, Le Tour du monde : nouveau journal des voyages, vol. 6, Paris, Librairie Hachette et Cie, , 426 p. (OCLC 763406195, BNF 32878283, lire en ligne), p. 154-155
- Robert Chaudenson, Textes créoles anciens, La Réunion et Maurice, comparaison et essai d'analyse, Kreolische bibliothek Helmut buske, verlag, Hamburg, 1981
- Gérard Doyen et Jean-Claude Maillar, 1982, L'Univers de la famille réunionnaise, tome 1. La femme réunionnaise, Diffusion Marketing International, 1 vol. 240 p.
- Meng-Chuan Tseng, Jean Albany, un poète réunionnais, Mémoire de maitrise de l'Université catholique de Fu-Jen, Taiwan, mai 1999.
- Hélène Thazard, La généalogie de Célimène, Cercle généalogique de Bourbon, bulletin trimestriel 68, juillet 2000.
- Luc Legeard, Célimène, Mythe et réalité. Muse créole de l'île Bourbon, 1808-1864, Académie Réunionnaise des « Arts et Lettres », Éditions Azalées, Ile de La Réunion, 2013.
- Gérard Noiriel, Une histoire populaire de la France, éditions Agone, 2018
- « Marie-Monique Jans, dit Célimène (1807-1864) » in 5 Réunionnaises, cinq destins, bande dessinée de Gilles Gauvin et Jean-Marc Pécontal (scénaristes), Tolliam, Natacha Eloy, Arupiia, Kitsuné et David D'Eurveilher (dessinateurs). Epsilon BD, 2022[14] (ISBN 9782917856406)
Liens externes
[modifier | modifier le code]
Notes et références
[modifier | modifier le code]- « Réunion SAINT-PAUL 1830 » (État civil (acte de mariage) n°3), sur ANOM (consulté le ), p. 92
- « Réunion SAINT-PAUL 1854 » (État civil (acte de décès) n°455), sur ANOM (consulté le ), p. 354
- Gérard Noiriel, « Célimène Gaudieux, la muse des Trois Bassins : épisode • 5/10 du podcast La voix des invisibles » , sur France Culture, (consulté le )
- « Gaudieux, le nom de trop ? », sur Clicanoo, (consulté le )
- Luc, ... Impr. Graphica), Célimène : mythe et réalité : muse créole de l'île Bourbon, 1808-1864, Azalées éd., impr. 2013 (ISBN 978-2-36066-036-0 et 2-36066-036-5, OCLC 881006907, lire en ligne), p. 62
- Archives départementales de la Réunion, pièce 3E 287, "Mariage de Louis Edmond Jeance et Marie Candice".
- Archives départementales de la Réunion, 6 M 684 : "Recensement 1843"
- « Qui est Célimène ? », sur Département 974, (consulté le )
- « 1989.203 Guitare », sur www.musee-villele.re (consulté le )
- Célimène de Thomy Lahuppe, le Moniteur de la Réunion sur Gallica
- Nathalie Valentine Legros, « Séga inédit : Trois jours, trois nuits avec Célimène », sur 7Lameslamer, (consulté le )
- Vente sur licitation, journal officiel de l'Île de la Réunion du 21 octobre 1865 sur Gallica
- Jean-Claude Legros, « Ici vécut un phénomène : Célimène ! », sur 7Lameslamer, (consulté le )
- « L'histoire de La Réunion à travers le destin de cinq femmes puissantes », sur Clicanoo | Premier de l'actualité à La Réunion et dans l'Océan Indien,