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Dépendance au sucre

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Bonbons.

La notion de dépendance au sucre serait la difficulté pour une personne de contrôler son apport en aliments ou boissons sucrés. La surconsommation de sucre dans la société actuelle déclenche un phénomène de tolérance envers cette substance, ce qui explique la consommation toujours plus croissante de sucre. Selon des études scientifiques, le sucre aurait un potentiel addictif supérieur à celui de la cocaïne[1],[2].

Certains scientifiques parlent « d'aliments addictifs », en se basant principalement sur des expériences menées chez l'animal ; d'autres préfèrent parler d'addiction comportementale.

Sucre dans l'alimentation

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La question de la dépendance au sucre n'a été que peu observée jusque dans les années 2000 lorsque les cas d'obésité et de diabète se multiplièrent, et ce même chez les plus jeunes. Les études ont permis d'établir que le sucre seul dans du liquide ne permet pas d'activer la sensation de satiété au niveau cérébral qui régule l'appétit, ce qui fait qu'il est possible d'avaler des litres de boisson sucrée sans que le cerveau ne s'alerte des doses ingurgitées. Le phénomène est à rapprocher au sirop de maïs enrichi en fructose dont la production a centuplé entre les années 1960 et les années 2010 car il constitue une alternative moins cher au sucre de cane[3].

L'étiquetage des produits selon leur conteneur en sucre a été un projet politique longtemps freiné par les industriels du sucre. En 2009, la Confédération des industries agroalimentaires de l'Union européenne (CIAA, devenue FoodDrinkEurope en 2012) a investi 1 milliard d'euros dans sa force de lobbying à Bruxelles pour cadrer les politiques du vieux continent en matière de sucre. La ville de New York a diffusé des spots publicitaires choc pour sensibiliser la population à la consommation excessive de sucre, ce qui a provoqué de retentissants retours de bâtons de la part des lobbys du sucre. Cette configuration rappelle le marché du tabac où la nocivité d'un produit est réduite par la force du lobbying et de la publicité[3].

À 2010, l'OMS recommandait une consommation de sucre de 18 kilos par personne et par an, mais la moyenne se situait alors à 42 kilos par personne par an[3].

Selon l'Anses, 77 % des aliments transformés, salés comme sucrés, contiennent du sucre (étude effectuée en 2020 sur 50 000 produits et publiée en 2024)[4].

Comparaison sucre-cocaïne

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En 2017, le spécialiste des maladies cardiovasculaires James J. DiNicolantonio et le cardiologue James H. O'Keefe relance la controverse autour de l'expérience des rats offerts du sucre et de la cocaïne. Dans cette expérience, des rats peuvent choisir, grâce à deux leviers, une dose de cocaïne ou une dose d'eau sucrée. Les résultats montrent que, dans la très grande majorité, les rats préférent l'eau sucrée, qu'elle contienne du sucre ou un édulcorant (la saccharine). L'expérience a été menée à de nombreuses reprises dans le passé, dont par Magalie Lenoir, Fushia Serre et Lauriane Cantin[5],[6]. L'expérience menée avec des biscuits Oreos plutôt que de l'eau sucrée a produit les mêmes résultats (Honohandes 2013, Connecticut College)[7].

Pour Serge Ahmed, directeur de recherche CNRS et neuroscientifique, l'addiction au sucre est incontestable et « ceux qui remettent en cause cette addiction seraient au mieux incompétents au pire "financés par les industriels du sucre" », tout en reconnaissant « qu'il ne faut pas non plus pousser trop loin la comparaison entre le sucre et les drogues »[5],[6].

Sarah Cathelain réfute la notion d'addiction au sucre, rappelant que les comportements liés à l'alimentation, au sexe, aux achats, ne sont pas démontrés comme étant des addictions. Jean Zwiller, directeur de recherche CNRS au laboratoire de neurosciences cognitives de Strasbourg, rappelle que les déviances comportementales observées dans le cas des drogues n'ont rien à voir avec celles observées dans le cas du sucre. Tom Sander, professeur de nutrition et de diététique au King’s College de Londres, rappelle que le sucre est un aliment nécessaire pour le corps humain, a contrario de la cocaïne ou d'autres drogues dures, ce qui fait que le corps humain ne doit naturellement pas se confronter au retrait complet du sucre. Hisham Ziauddeen, psychiatre à l'université de Cambridge, réfute également la notion d'addiction, et rappelle qu'il soit normal qu'un rongeur prèfère naturellement le goût d'un produit sucré (théorie vérifiée avec la saccharine qui produit la même préférence chez le sujet). La collègue de Ziauddeen, Maggie Westwater, rappelle également que les rats ne retournent pas vers le sucre si ils reçoivent une décharge électrque en même temps, alors qu'ils reviennent vers la cocaïne malgré la décharge électrique associée[5],[6].

Sucre dans la dépendance au tabac

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En 2009, Jean-Pol Tassin, neurobiologiste et directeur de recherches à l’Inserm, publie ses recherches qui mettent en évidence que la nicotine seule ne rend pas dépendant au tabac, mais que c'est bien l'ajout de sucre dans le tabac (pour adoucir son goût amer) qui, brûlé, libère les inhibiteurs de monoamine-oxydases (IMAO) qui, couplés à la nicotine, provoque le phénomène d'addiction. Le fait que la nicotine seule ne peut provoquer un phénomène d'addiction était défendue depuis les années 1960 par le docteur Robert Molimard. Pour Tassin, les cigarettes ne seraient donc pas addictives sans sucre, rendant les produits de substitut à la nicotine (patch, gomme) complètement inutiles pour lutter contre l'addiction[8].

Risques en cas d'excès de consommation de sucre

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Remplacer le sucre par des édulcorants permet de réduire les apports calorifiques, mais peut provoquer d'autres troubles en lien avec l'insuline par exemple[3].

Notes et références

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  1. « Addiction: l'autre poudre blanche », sur CNRS Le journal (consulté le )
  2. Nicolas Rigaud, « Addiction au sucre : Une réalité plutôt qu'un mythe », Science&Santé,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. a b c et d « Sucre: une poudre blanche qui rend accro ! », sur rts.ch, (consulté le )
  4. Lou Roméo, « L’addiction au sucre se définit d’un point de vue comportemental », sur Le Point, (consulté le )
  5. a b et c « Le sucre est-il vraiment aussi addictif que la cocaïne? », LExpress.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. a b et c « Le sucre est-il plus addictif que la cocaïne ? », sur Libération.fr, (consulté le ).
  7. « Les Oreo seraient aussi addictifs que la cocaïne », sur L'Express, (consulté le )
  8. « Seule, la nicotine ne rend pas accro : il lui faut du sucre », sur Le Nouvel Obs, (consulté le )
  9. « Comment le sucre en excès abîme le cœur », sur sante.lefigaro.fr, (consulté le ).
  10. a b c et d Inès Barkatou, « L’influence de l’industrie du sucre dans la recherche en santé », sur ccsd.cnrs.fr, (consulté le ).