Créée en 1974, la revue Dialogues d'histoire ancienne, publiée par les Presses universitaires de Franche-Comté, fête cette année ses 50 ans. Le supplément de ce semestre traite du corps aristocratique romain sous l'angle de la blessure, de manière littérale ou imagée. Il entend entrer dans la complexité de ces deux notions en affirmant que « le corps des aristocrates n'est jamais qu'un physique ou une psyché, il est aussi le corps de Rome et du fonctionnement de la cité ». De nouvelles pistes historiographiques, lancées lors d'un colloque à Lorient en 2019, sont approfondies.
L'intégrité physique (et psychique) du corps est par exemple analysée à travers la question du surpoids (Kévin Blary, université Aix-Marseille) - une cause d'exclusion pour les individus incapables de monter à cheval dans l'armée, comme Veturius, aristocrate du IIe siècle qualifié de pinguis (« obèse ») par son contemporain Aulu-Gelle dans ses Nuits attiques. Finalement, le surpoids, plus qu'une déficience militaire, devient le symptôme d'une valeur morale répréhensible, l'aristocrate s'adonnant aux excès.
Même la blessure de guerre devient source d'ambivalence. Fanny Cailleux (université Paris-Nanterre) la prend comme synonyme de virtus, une vertu. Titus Herminius, blessé au flanc lors de la bataille du lac Régille, au début du Ve siècle av. n. è., en sort héroïsé. Mais ce n'est pas le cas pour le général Marcellus, blessé pendant la deuxième guerre punique (IIIe siècle av. n. è.), qui incarnera un manque de prudentia, de prudence, et donc d'une défaillance morale indiquant son incapacité à diriger.
Au même titre que la blessure physique, la blessure abstraite est souvent instrumentalisée contre le corps aristocratique, à des fins politiques. Robinson Baudry (université Paris-Nanterre) étudie par exemple l'usage de l'éloquence comme arme, particulièrement efficace dans le milieu. Cicéron, par ses mots, blesse Clodius dans son discours Sur la réponse des haruspices.