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Bataille d'Anoual

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Bataille d'Anoual
Description de cette image, également commentée ci-après
Carga del rio Igan : charge du régiment de cavalerie Cazadores de Alcántara sur la rivière Igan, Augusto Ferrer-Dalmau
Informations générales
Date -
Lieu Anoual
Issue Victoire rifaine
Belligérants
Harkas rifaines Espagne
Commandants
Abdelkrim al-Khattabi Manuel Sylvestre
Jésus Villar
Felipe Navarro
Forces en présence
3 000 combattants irréguliers[1],[2] 25 000 hommes[3],[4]
24 pièces d'artillerie
Pertes
~ 800 morts et blessés[5] ~ 15 000 morts
~ 1500 prisonniers[6] ou 3000 morts
5000 prisonniers[7]

Guerre du Rif

Batailles

Coordonnées 35° 07′ 12″ nord, 3° 35′ 00″ ouest
Géolocalisation sur la carte : Maroc
(Voir situation sur carte : Maroc)
Bataille d'Anoual
Photo de cadavres de troupes espagnoles prise en janvier 1922 à Monte Arruit, plusieurs mois après la bataille.

La bataille d'Anoual, connue comme le désastre d'Anoual dans l'historiographie espagnole (desastre de Annual en espagnol), opposa un contingent militaire espagnol aux bandes armées rifaines de Mohamed Abdelkrim el-Khattabi, dans la région du Temsamane, à 90 km de Melilla le . Il marque le début de la guerre du Rif et contribue au mythe d’Abdelkrim comme héros de guerre, fin stratège et chef charismatique de la résistance.

La victoire d’une bande de résistants sur l’armée espagnole devint un important symbole de la lutte anticoloniale et marqua un tournant de la résistance au double protectorat espagnol et français instauré au Maroc.

Tandis qu'Abdelkrim proclame la République du Rif, en Espagne le désastre d'Anoual provoque des troubles politiques, qui ont pour conséquences le coup d'État et la mise en place de la dictature de Miguel Primo de Rivera[8] avec l'accord tacite du roi.

Depuis dix ans, l’Espagne éprouve beaucoup de difficultés à administrer la région nord du Maroc actuel placée sous son autorité depuis 1912. Ses troupes se heurtent continuellement à des poches de résistance et les Espagnols n'ont toujours pas posé le pied dans le centre du Rif. Ils sont en effet bloqués autour de Nador et Al HoceIma, ainsi que Tetouan.

À partir de 1920, les autorités espagnoles décident d'étendre leur influence dans tout le Rif, et une politique de conquête de toute la partie encore insoumise est lancée. Ainsi, le général Manuel Fernández Silvestre est chargé par le roi Alphonse XIII de commander les forces espagnoles dans la région, il prend le statut de commandant général de Melilla[9]. Il est convaincu d’avoir affaire à une petite bande de brigands et continue d’avancer vers le cœur du Rif en direction d'Al Hoceïma (Alhucemas), pensant pouvoir soumettre toutes les tribus du Rif en quelques semaines. En effet, après quelques jours de combat les armées espagnoles réussissent à atteindre les localités de Ben Tayeb et de Driouch, à plus de 70 km de Melilia. La situation devient alors critique pour les tribus berbères du Rif qui voient les colonisateurs espagnols s’avancer jour après jour. Anoual tombe le 15 janvier 1921 aux mains des Espagnols.

L’armée espagnole est équipée de fusils Mauser datant de la guerre de Cuba (1898), de 36 canons, de 26 mitrailleuses et 6 bombardiers pour 20 000 hommes.

Armée du Rif

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Abdelkrim ben Mohamed Al Khattabi décide d'attaquer les Espagnols mais il meurt, peut-être assassiné, fin 1920. C'est son fils aîné Mohamed Ben Abdelkrim Al Khattabi (Muhend U Abdelkrim Lkhattbi en berbère) qui reprend le flambeau de la tribu des Beni Ouriaghel, après avoir étudié à l’université Al Quaraouiyine de Fès, avoir été journaliste à Melilla et avoir travaillé pour l’administration coloniale. Celui-ci décide d'unifier les autres tribus berbères pour contrer l'impérialisme espagnol[10],[11].

Position et géographie d'Anoual

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Anoual est une ville située à 70 km de Melilla et à 10 km de la mer Méditerranée. C'est une zone de montagnes, constituées de ravins, à laquelle il est possible d'accéder par des pistes difficilement praticables et dominées par des hauteurs.

Les troupes espagnoles tentent de rejoindre la mer au nord pour rejoindre la flotte, mais les 20 000 soldats sont dispersés pour tenir le terrain.

Déroulement

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Les Espagnols sont repoussés une première fois en juin à « Dhar Obbaran » lors d'une petite escarmouche au cours de laquelle ils tentent de rejoindre la mer. L'armée espagnole ne réagit pas, mais forts de cet exploit, les Rifains décident de contre-attaquer en assiégeant la position d'Igueriben, dont la situation est critique par manque d'eau. Le général Silvestre ne parvient pas à monter une colonne de secours et les défenseurs sont massacrés après avoir tenté une sortie. Les Rifains décident alors de prendre d'assaut Anoual, sur le territoire de Temsamane. Abdelkrim réussit alors à unifier plusieurs tribus du Rif contre les Espagnols.

Dans l’après-midi du , 3 000 combattants rifains, pour la plupart issus des Aït Ouriaghel, Ibaqouyen, Iqer'iyen, Temsamane, Tafersit, Ait Oulichek et Aït Touzine, fondent sur les 18 000 soldats espagnols à Anoual, les contraignant à battre en retraite. Le général Silvestre hésite, ordonne la retraite et se suicide le lendemain à la suite de cette défaite humiliante. Privés de leur chef, les postes tombent les uns après les autres et l'armée recule de manière désordonnée jusqu'à Al Aroui (Mont-Arruit). Le 9 août, les soldats de Mont-Arruit négocient une reddition, mais les 3 000 soldats sont trahis et exécutés par Abdelkrim[12]. Les défenseurs de Selouane seront également exécutés par les Rifains.

Bilan et conséquences

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Les guerriers d'Abdelkrim récupèrent à l'issue de la bataille le matériel abandonné par les troupes espagnoles en retraite, soit des fusils, des canons, des obus, des cartouches, des approvisionnements en vivres, des médicaments et du matériel médical. Les Espagnols perdent 9 500 hommes et 492 soldats sont faits prisonniers, dont le général Felipe Navarro (es)[13],[14],[15].

Conséquences

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Cette défaite cinglante des forces coloniales est lourde de conséquences de part et d’autre de la Méditerranée. C'est cette « humiliation » qui, en 1923 à Barcelone, incite le général Miguel Primo de Rivera à lancer un pronunciamiento et à instaurer une dictature militaire. La guerre du Rif dure encore cinq années et se solde par la reddition des Rifains à la suite de la formation d'une coalition franco-espagnole, motivée par la volonté des troupes d'Abdelkrim de libérer les territoires occupés par les Français. On reproche aux Espagnols leur utilisation de gaz moutarde. Les Rifains sont défaits par l'armée de la coalition franco-espagnole. Abdelkrim et sa famille sont exilés à la Réunion. Lors de son transfert en France en 1947, le bateau qui le transporte fait une escale en Égypte et Abdelkrim y est libéré avec les membres de sa famille. Il y décède en 1963.

Notes et références

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  1. Rebels in the Rif, p. 97, Stanford University Press.
  2. P. La Porte (1997), p. 199
  3. Juan Pando Despierto 1999, p. 64-65.
  4. Julio Albi de la Cuesta 2014, p. 295.
  5. (de) Detlef Wieneck-Janz, Annette Grunwald, Andreas Schmid, Knut Görich, Hans-Michael Körner, Reinhold Leinfelder, Winfried Schulze, Rainer Vollkommer, Andreas Wirsching et Wolfgang Pekowski, Die große Chronik Weltgeschichte: Der Erste Weltkrieg und seine Folgen (1914–1932), vol. 15, Munich, Wissen Media Verlag GmbH, coll. « Große Chronik-Weltgeschichte », (ISBN 9783577090759, lire en ligne), « 21. Juli 1921: Marokko - Kabylen gegen Spanien », p. 203.
  6. François Garijo et Jean-Marc Truchet, La Légion et les Spahis dans la conquête du Maroc : 1880-1934 : la guerre du Rif, 1921-1926, La Plume du temps, (La Légion et les Spahis dans la conquête du Maroc).
  7. Benjamin Stora, Les 100 portes du Maghreb : l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, trois voies singulières pour allier islam et modernité, Éditions de l’ateliers, , 304 p. (ISBN 9782708250239, lire en ligne).
  8. Beevor 2006, p. 50-51.
  9. Aurélia Dusserre et Mathieu Marly, « La guerre du Rif. Histoire connectée, mémoires divergentes (1921-2021) », 20 & 21. Revue d'histoire, vol. 158, no 2,‎ , p. 3–20 (ISSN 2649-664X, DOI 10.3917/vin.158.0003, lire en ligne, consulté le )
  10. Abd el Krim el Khattabi et la libération du Maghreb (1921-2021), NAQD, (lire en ligne).
  11. María Rosa de Madariaga, Marruecos, ese gran desconocido: Breve historia del Protectorado español, Madrid, Alianza Editorial, coll. « Historia », 2019 (1re éd. 2013), 630 p. (ISBN 978-84-9181-502-0), p. 165 & 168-169.
  12. Beevor 2006, p. 50, 2e §.
  13. Luis Miguel Francisco 2014.
  14. Selon María Rosa de Madariaga, si un bilan exact est impossible à établir, le nombre de morts dans le camp espagnol a pu être estimé entre 8000 et 10000 hommes. En , Indalecio Prieto évoquait devant les Cortes le chiffre de 8668 tués.
    Cf. : M. R. de Madariaga (2013), p. 163.
  15. D’après Salvador Fontenla :

    « Les pertes espagnoles totales de la retraite, entre le 22 juillet et le 11 août, se montent à 7900 hommes, desquels 3758 cadavres furent retrouvés entre Batel et Mont-Arouit, lorsque les Espagnols reconquirent le territoire. Les prisonniers étaient au nombre de 514, dont 119 décédèrent en captivité et 75 réussirent à s’enfuir. Le commandant Villar fut fusillé le 12 janvier 1922, sur ordre d’Abdelkrim, en représailles des nombreux morts qu’avait eus celui-ci lors de la reconquête espagnole de Dar Driouch et pour faire pression sur le gouvernement espagnol. »

    Cf. (es) Salvador Fontenla Ballesta, La Guerra de Marruecos. 1907 - 1927: Historia completa de una guerra olvidada, Madrid, La Esfera de los Libros, , 564 p. (ISBN 978-84-9060-978-1, lire en ligne), p. 335.

Bibliographie

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  • Abd el-Krim et la République du Rif (ouvrage collectif, Actes du Colloque international d'Etudes historiques et sociologiques, 18-20 janvier 1973. Publié sous la dir. d’André Gallissot), Paris, François Maspéro, , 536 p. (ISBN 978-2707107763).
  • (es) Luis Miguel Francisco, Morir en Àfrica : la epopeya de los soldados españoles en el Desastre de Annual, Barcelone, Crítica, , 630 p. (ISBN 978-84-9892-748-1).
  • (en) Antony Beevor (trad. Jean-François Séné), La guerre d'Espagne, Paris, Calmann-Lévy, , 896 p. (ISBN 978-2-253-12092-6, BNF 41433668).
  • Mimoun Charqi, La Guerre chimique contre le Rif, Éditions Amazigh, .
  • Philippe Conrad et al., Franco, Bassillac, Éditions Chronique, , 128 p. (ISBN 2-905969-83-0, ISSN 1272-3622).
  • « Anoual, 1921 : Abd el-Krim égorge l'armée espagnole », Guerres & Histoire,‎ (ISSN 2115-967X)
  • (es) Jorge Martínez Reverte, Sonia Ramos et M’hamed Chafih, El vuelo de los buitres : El desastre de Annual y la guerra del Rif, Barcelone, Galaxia Gutenberg, , 448 p. (ISBN 978-8418526169).
  • (es) Gerardo Muñoz Lorente, El desastre de Annual : Los españoles que lucharon en África, Cordoue, Almuzara, , 384 p. (ISBN 978-8418578229).
  • (es) Collectif, sous la direction de Daniel Macías Fernández, A cien años de Annual : La guerra de Marruecos, Madrid, Desperta Ferro, coll. « Historia de España », , 560 p. (ISBN 978-8412221282).
  • (de) Dirk Sasse, Franzosen, Briten und Deutsche im Rifkrieg 1921-1926 : Spekulanten und Sympathisanten, Deserteure und Hasardeure im Dienste Abdelkrims, Munich, R. Oldenbourg Verlag, coll. « Pariser Historische Studien », , 432 p. (ISBN 978-3486840186, lire en ligne) (rééd. 2014 chez De Gruyter).
  • (es) Juan Tomás Palma Moreno, Annual 1921. 80 años del Desastre, Madrid, Almena Ediciones, , 189 p. (ISBN 978-8493071394).
  • (es) Juan Pando Despierto, Historia secreta de Annual, Barcelone, Temas de Hoy, coll. « Memorias de guerra », , 423 p. (ISBN 978-8448724696, lire en ligne) (rééd. Ediciones Altaya Editorial Planeta DeAgostini, S.A.U., 2008).
  • (es) Julio Albi de la Cuesta, En torno a Annual, Madrid, Ministerio de Defensa, coll. « Colección Defensa », , 668 p. (ISBN 978-84-9091-143-3, lire en ligne).
  • (es) Pablo La Porte Fernández-Alfaro, La atracción del Imán. El desastre de Annual y sus repercusiones en la política europea (1921-1923), Madrid, Biblioteca Nueva, , 238 p. (ISBN 978-8470308482).

Articles connexes

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Liens externes

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